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Diversité et responsabilité sociale : les entreprises qui jouent la carte de l’ouverture.

Alors que les chiffres attestent que la discrimination à l’embauche est encore une réalité dans notre pays, certaines entreprises prennent le parti de jouer la carte de la diversité, revendiquant le caractère mélangé de leurs employés. D’autres font volontiers référence au concept de Responsabilité Sociale. Mais que signifient vraiment ces termes, et en quoi sont-ils bénéfiques à la fois aux entreprises et à la lutte contre les inégalités sociales ? Ada se penche sur la question.

Une discrimination dénoncée mais présente

Discrimination positive ?
La discrimination positive (« affirmative action ») désigne des politiques mises en place pour favoriser un groupe social particulier dans un contexte où il n’a pas atteint la parité. Au départ, la discrimination positive a été mise en place en Amérique du Nord pour permettre aux Noirs Américains de rattraper les Blancs notamment dans certaines universités ou entreprises. Elle peut prendre différentes formes, notamment celle de quotas, ou l’utilisation de la règle « à compétences égales, on engage la femme / la personne d’origine étrangère). L’idée est à terme de rétablir un équilibre entre les groupes, plus rapidement que cela n’aurait été possible s’il avait fallu laisser faire le temps.

La discrimination à l’embauche, le fait de rejeter quelqu’un sur des bases autres que ses réelles compétences professionnelles, est toujours d’actualité en Belgique (1), (2). On pense bien sûr à la discrimination ethnique, mais la discrimination a également d’autres visages : les gens sont exclus à cause de leur sexe, de leur religion, leur poids, leur âge, leur orientation sexuelle, leur physique, un handicap, une histoire personnelle ou médicale (3), une invalidité, parce qu’ils sont chômeurs, et pour mille et une autres raisons encore.
Un rapport récent de l’Orbem, réalisé par des chercheurs de l’ULB et de la KUL, a souligné que la discrimination, en dépit de son caractère explicitement inadmissible, était encore fréquente dans les pratiques des employeurs bruxellois. On note ainsi une ethnostratification du marché de l’emploi, ce qui signifie qu’en fonction de l’origine ethnique, les individus sont cantonnés dans tels ou tels types d’emploi, avec les Belges autochtones en haut de la hiérarchie et les Turcs et Marocains en bas de celle-ci, dans des secteurs précaires et mal payés. En suivant des personnes qui se présentaient à des entretiens d’embauche, les chercheurs ont également pu déterminer que dans 27% des cas, une discrimination sur base ethnique était probable (4). Dans cet échantillon, 55% des femmes ont rencontré de la discrimination ethnique à l’embauche, contre 41% des hommes (5). Une autre étude issue du même rapport a interrogé 37 Bruxellois sur dix ans de parcours professionnel (de 1993 à 2004). Parmi ces personnes, 18 disent avoir rencontré de la discrimination au sens large, c’est-à-dire basée sur des critères tels que l’appartenance ethnique, mais aussi l’âge, la langue maternelle ou le sexe.
Bien sûr, on peut penser qu’il s’agit là d’une exagération des chiffres, qui seraient présentés par les personnes pour expliquer leurs échecs. Cette éventualité peut être écartée pour deux raisons : premièrement, les recherches sur la discrimination montrent que dans la grande majorité des cas, les gens ont tendance à minimiser voire à nier la discrimination qui les frappe, surtout lorsque celle-ci est fréquente (6). Deuxièmement, un sondage récent du magazine Trends Tendances, réalisé auprès des employeurs, renforce ces chiffres : un employeur sur deux affirme préférer engager un Européen qu’une personne allochtone hors EU. Ils sont 79% à penser que les personnes immigrées sont effectivement discriminées dans le monde de l’entreprise, mais ils citent aussi l’âge, le fait d’appartenir à un syndicat ou le sexe, comme facteurs potentiels de discrimination. D’autre part, patrons et syndicats reconnaissent que le problème ne dépend pas seulement des directions : les clients et les employés doivent également s’ouvrir à la diversité.

La diversité ou la richesse dans la différence


® University of Purdue

La notion de diversité, dans le cadre de l’entreprise, désigne le fait de valoriser l’embauche de personnes d’horizons différents, que ceux-ci soient culturels ou individuels, liés au genre, à l’origine ethnique ou au profil, simplement. Dans la société actuelle, dite de l’information, la valeur principale pour l’employeur est devenue le savoir : en diversifiant son personnel, on accède à une information multiple, on brasse de nouveaux regards, de nouveaux points de vue, de nouvelles compétences, des goûts, des manières d’appréhender les problèmes... In fine, la rencontre des différences permet une innovation et une créativité bouillonnantes, parce que nourries d’angles complémentaires. En gros, chacun apporte sa pierre à l’édifice. En plus des compétences liées au travail, les employés sont valorisés pour leurs qualités et perspectives uniques et personnelles. Cette valorisation des individus pour ce qu’ils sont est supposée amener une meilleure ambiance de travail, et par là moins d’absentéisme, moins de turnover (7), et une motivation plus forte. D’un point de vue plus économique, la diversité a des avantages en termes de connexion avec les clients et la réalité sociale qui entoure les entreprises. En effet, les clients potentiels des entreprises sont devenus diversifiés eux aussi. Avoir dans son staff des personnes semblables à celles qu’on essaie de toucher peut faciliter la communication et la compréhension que l’entreprise a des besoins et des envies de ces groupes. Les clients de certains groupes peuvent aussi préférer avoir affaire à des personnes qui leur ressemblent dans les interactions commerciales. De plus, et nous y reviendrons, présenter son entreprise comme ouverte et tolérante peut avoir des retombées positives en terme d’image. La diversité est devenue aujourd’hui un concept en vogue, surtout aux Etats-Unis où fleurissent des consultants en management de la diversité qui proposent des formations aux cadres et employés, afin de les aider à exploiter au mieux les richesses de leurs collègues. Cependant, il ne faudrait pas ignorer qu’elle peut parfois être synonyme de renforcement des stéréotypes. En effet, si on engage des femmes parce qu’on pense qu’elles sont compréhensives, des Allemands parce qu’ils sont sérieux, des jeunes parce qu’ils sont pleins d’enthousiasme, on préjuge à nouveau des caractéristiques des gens uniquement parce qu’ils appartiennent à un groupe. Embrasser la richesse d’un individu au travers de ses caractéristiques propres, correspondant ou non à l’idée qu’on se fait de son groupe d’appartenance, semble une meilleure manière d’exploiter la diversité.

La « RSE » ou l’éthique de l’entreprise

Le concept de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) est plus large que celui de diversité et renvoie à l’idée que de par leur pouvoir dans la société d’aujourd’hui, les entreprises ont une certaine responsabilité vis-à-vis des gens, au moins à deux grands niveaux : écologique et social. Liée au concept de développement durable, la RSE signifie qu’une entreprise ne peut se contenter de se soucier de sa rentabilité économique. Les six grands domaines que recouvre l’idée de RSE sont l’environnement, les ressources humaines, le gouvernement d’entreprise, les pratiques commerciales, l’impact local et la citoyenneté. On distingue aussi la responsabilité interne, qui concerne principalement les salariés de l’entreprise, de la responsabilité externe. La responsabilité interne implique un certain investissement dans le capital humain, les questions de santé et de sécurité, la gestion du changement, et de soucis environnementaux dans les questions de production. La dimension externe concerne la communauté au sens large, et les parties prenantes tels que les fournisseurs, les pouvoirs publics, les ONG, ainsi que l’environnement.


Si des entreprises respectant une charte de Responsabilité Sociale apparaissent bénéfiques pour le grand public, il existe aussi un certain nombre de bonnes raisons plus économiques (pour l’entreprise, donc) pour s’engager dans ce type de démarche. De manière générale, les entreprises dépendent de la bonne santé des communautés qui les accueillent. Ainsi, les salariés sont recrutés dans la population locale, et les entreprises ont donc intérêt à ce que les qualifications dont ils ont besoin y soient directement présentes. De même, les PME surtout, trouvent leurs clients directement dans cette même communauté locale. La réputation qu’une entreprise a sur son site influence donc directement sa compétitivité. Indirectement, l’entreprise peut améliorer son efficacité en découvrant de nouveaux modes de production, en gaspillant moins, en s’intégrant dans des créneaux autrefois inexistants (on pense par exemple à l’épargne éthique, le commerce équitable...). Mais de plus en plus de gens (clients, actionnaires, personnel, managers) désirent que les entreprises respectent leurs valeurs personnelles et c’est là que réside l’avantage principal de la Responsabilité Sociale pour les entreprises, dans une question de réputation. D’un point de vue promotionnel, c’est une arme redoutable et efficace. Une entreprise propre, éthique, citoyenne, vend mieux et réduit le risque de se voir attaquer par les gouvernements, les ONG ou les associations de consommateurs. C’est pourquoi une entreprise qui fait dans la Responsabilité Sociale le publicise souvent un maximum : c’est une question d’image de marque. On peut dès lors se poser la question : qu’est-ce qui compte le plus ? Les causes ou le résultat ? Sans être dupes, on peut malgré tout se réjouir de ce résultat, qui est après tout une preuve de notre pouvoir en tant que consommateurs ! La Responsabilité Sociale est aujourd’hui adoptée par de nombreuses entreprises en Europe et Belgique. Dans notre pays, le groupe « Business & Society » rassemble un certain nombre d’entreprises belges qui s’engagent dans une démarche correspondante, et fédère ainsi des acteurs comme Ranstad, Shell, Belgacom ou la VRT. La Commission européenne elle-même, a proposé un livre vert, disponible sur son site internet afin de promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises. Evidemment, chaque entreprise décide de définir et d’appliquer sa définition de la Responsabilité Sociale, dans les limites de ce qu’elle estime viable et bénéfique pour ses activités. Le recours à des organismes de certification extérieure, comme on en trouve aujourd’hui pour les produits biologiques, par exemple, semble donc incontournable tôt ou tard. Il en existe d’ailleurs déjà, tels que le label Ethibel (8) utilisé dans le contexte des placements durables et éthiques.

Si la discrimination existe encore et toujours, certaines entreprises s’inscrivent aujourd’hui dans des démarches d’intégration des populations locales, avec leur richesse et leur diversité. Si ces initiatives doivent être soulignées, révélées, encouragées, le législateur ne peut cependant pas s’en contenter. Les conclusions du colloque organisé autour de la recherche sur la discrimination à l’embauche en région bruxelloise étaient pour cela éclairantes : un changement des mentalités de tous, (clients, employés, patrons, membres des syndicats) est encore nécessaire pour que nous puissions apprécier la diversité, et il doit être accompagné et soutenu par la poursuite d’actions des pouvoirs publics.

Eléonore Seron
Juin 2005

Sources
Les bienfaits de la diversité
- http://www.institutmontaigne.org/pub.php ?id=75
- http://www.greaterdiversity.com/minority_business/mb_articles04/diversity_good.html
- http://www.diversityworld.com/Diversity/workforce_diversity.htm
La responsabilité sociale des entreprises
- http://www.novethic.fr/novethic/site/index.jsp
- http://businessandsociety.be
- http://europa.eu.int/comm/employment_social/soc-dial/csr/greenpaper_fr.pdf
- http://www.alterbusinessnews.be/fr/index.php
- http://www.alliances-asso.org
- http://www.csrwire.com/pdf/Business-Case-for-Corporate-Citzenship.pdf

Notes & liens
(1) Discrimination des étrangers et des personnes d’origine étrangère sur le marché du travail de la région de Bruxelles-Capitale. Recherche dans le cadre du Pacte Social pour l’emploi des Bruxellois. Rapport de Synthèse, Janvier 2005. Réalisé en collaboration par l’Université Libre de Bruxelles et la Katholieke Universiteit Leuven. Ce rapport peut être commandé sur le site de l’Orbem.
(2) Trends Tendances, 19 mai 2005, n° 20, 30ème année.
(3) Comme par exemple avoir fait de la prison, ou avoir souffert d’une maladie mentale.
(4) Lorsque les chercheurs ont pu coupler une personne d’origine étrangère et un Belge autochtone sur la même petite annonce, ce chiffre monte à 45% !!
(5) Echantillon composé de 37 personnes, donc à prendre avec le recul qui s’impose.
(6) Quand la discrimination est fréquente, elle est d’autant plus douloureuse et donc, d’autant plus niée. Par contre, les personnes qui subissent peu de discrimination (comme les membres de groupes dominants) sont souvent peu ennuyées de s’en plaindre.
(7) Le turnover est le fait de quitter volontairement son emploi pour en exercer un autre.
(8) Ethibel

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