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Interview avec Machtelt Garrels, consultante LINUX

"Etre une femme dans un monde d’hommes a toujours été très normal pour moi. Tous les responsables du personnel ont toujours cru que j’étais capable de faire ce que je prétendais. Je passais parfois des nuits entières à discuter avec un groupe de programmeurs très intelligents qui m’ont beaucoup appris au sujet de Linux. Je maîtrisais déjà Linux jusqu’au bout des ongles lorsque quelqu’un m’a présenté Windows95. Je me suis tout de suite rendue compte que windows, ce n’était pas pour moi !"

Machtelt Garrels, alias Tille, est une de rare conseillère Linux femme en Belgique. Elle est représentante et donne en même temps des cours et du soutien technique en Linux. ADA l’a rencontrée au cours d’une "Linux Install Party" lors des journées de rencontre Digitales 2002.


Machtelt Garrels

Comment as-tu découvert ta passion pour l’informatique ?

En tant qu’enfant j’étais assez créative, du tricot au Lego Technics et aux trains électriques. J’ai aussi aidé mon père dans les travaux de transformation de la maison et j’y ai pas mal appris sur l’électricité. De 11 à 14 ans, mon père obtenait parfois l’autorisation d’amener à la maison un ordinateur de l’école où il travaillait. J’ai surtout joué à Pac-Man, mais mon père m’a aussi appris à programmer des opérations simples en Basic. A l’âge de 16 ans, nous avions 1 heure par semaine d’informatique à l’école. Nous avons appris à programmer des opérations statistiques et des intégrales en Turbo Pascal. J’ai trouvé cela plutôt sympathique, mais je ne le faisais qu’à l’école car, à cette époque-là (1991), nous n’avions pas encore d’ordinateur à la maison.

Quelle formation as-tu suivie après ta scolarité ?

Mon père voulait que, tout comme lui, je sois ingénieur civil, mais je n’ai pas réussi l’examen d’entrée. Je me suis inscrite pour les études d’ingénieur industriel et j’ai choisi l’option électromécanique. Nous étions seulement 5 filles sur 65 étudiants.

Cette sous-représentation des filles te posait-elle un problème ?

Non. Déjà à ce moment-là je préférais fréquenter les garçons. Je n’aimais pas trop ces petits clans chez les filles.

Et c’est alors qu’est née ta passion pour l’informatique ?

Non. Je détestais les ordinateurs à cette époque-là, parce que j’avais un petit ami qui s’intéressait plus à ces stupides jeux informatiques qu’à moi.

Quand est né ton intérêt pour les ordinateurs alors ?

Je n’ai pas terminé mes études. Je suis tombée enceinte en 3ème année et après la naissance de ma fille il est devenu difficile de combiner les études et la vie de famille. Avec mon mari et quelques amis nous avons démarré un cybercafé avec le fournisseur d’accès Hookon, mais cela entraînait surtout beaucoup de travail et peu d’argent. Pourtant j’ai soudain trouvé les ordinateurs intéressants grâce à Internet. Ils me paraissaient tout d’un coup avoir un but, une raison d’être. Après la séparation avec mon mari, je suis allée habiter à Louvain et j’ai rapidement trouvé un emploi comme support chez l’unique fournisseur d’accès pour utilisateurs privés que comptait Louvain à ce moment-là. À Louvain, j’ai fait la connaissance d’un gourou de Linux, qui entre-temps est devenu mon deuxième mari. Selon lui, je suis la seule femme avec qui il peut discuter et qui peut comprendre son besoin de parler d’ordinateurs du matin au soir.

As-tu éprouvé des difficultés en tant que femme au cours de ta carrière professionnelle ?

Non. Etre une femme dans un monde d’hommes a toujours été très normal pour moi. A une époque, j’ai passé des dizaines d’entretiens d’embauche, simplement pour occuper le temps et me faire une idée de ma valeur sur le marché. J’y allais toujours bien soignées et en jupe, sans pour cela paraître vamp. Tous les responsables du personnel ont toujours cru que j’étais capable de faire ce que je prétendais et aussi dans les tests je parvenais à répondre suffisamment bien. Mon CV était à ce point intéressant pour beaucoup de managers que je pouvais choisir où je voulais travailler.

Comment naquit ton intérêt pour Linux et "open source" ?

Comme à l’époque, en tant qu’étudiants, nous n’avions pas d’argent, le fournisseur d’accès Hookon tournait sous Linux. Via IRC (internet Relay Chat), je passais parfois des nuits entières à discuter avec un groupe de programmeurs très intelligents qui m’ont beaucoup appris au sujet de Linux. Après toutes ces années, je suis toujours entouré par ce groupe d’"accros" à Linux. S’il y a quelque chose que je ne sais pas, ils sont toujours prêts à partager leurs connaissances avec moi.

Comment s’est déroulé le contact avec les systèmes d’exploitation ’plus populaires ’ ?

Je maîtrisais déjà Linux jusqu’au bout des ongles lorsque quelqu’un m’a présenté Windows95. Je me suis tout de suite rendue compte que ce n’était pas pour moi. Avec un tel système d’exploitation, on n’est simplement plus le maître de son ordinateur. J’ai résolument décidé de lutter contre les autocrates qui abusent de monsieur tout le monde, en produisant des logiciels frustrants.

La question du genre et de l’informatique existe-t-elle aussi au sein de la communauté Linux ?

En 2002, Val Henson de LinuxChix a écrit le document HOWTO Encourage Women in Linux. Comme les nombreux "A faire" et "A ne pas faire" dans ce document me dérangeaient passablement, j’ai décidé de publier moi-même un guide pour utilisateurs linux débutants. Aussi bien Women in Linux HOWTO que le texte de Henson ont provoqué beaucoup de réactions. Ce sont surtout des femmes non-américaines qui semblaient ne pas partager les opinions exprimées dans le texte de Henson. De son côté LinuxChix trouve mon texte sexiste parce que cela ne me paraît pas du tout être une telle injure de se faire appeler ’babe’. Etrange tout de même de la part d’un groupe qui se fait appeler ’chix ’= (nanas)...

Les caractéristiques soi-disant ’typiquement féminines’ comme ’disposée à partager’ et ’moins compétitive’ sont aussi les caractéristiques de la philosophie open source. Les femmes devraient donc se sentir à l’aise dans ce mouvement ?

Malheureusement, il y a beaucoup de snobisme et de machisme dans le mouvement open source, du genre : "je suis formidable parce que je m’y connais en open source et je peux me permettre une certaine condescendance vis à vis des ’utilisateurs Windows’ parce qu’ils ne comprennent pas véritablement ce qu’ils font". Les femmes partagent également souvent cette attitude, et ce comportement néfaste fait du tort à l’image de la communauté Linux. Ce n’est en effet pas l’attitude démocratique et disponible que le mouvement open source donne de lui vers le monde extérieur. Naturellement il y a aussi au sein de la communauté open source beaucoup de gens qui se comportent tout à fait normalement et sont généreux dans l’échange de leurs connaissances.

Quelles sont toutes les choses dont tu t’occupes comme ça ? Quels sont tes projets d’avenir ?

Je trouve qu’il manque encore des cours librement téléchargeables sur des sujets simples pour débutants. Dans le monde de l’open source, il y a un besoin constant de gens qui écrivent et actualisent toutes sortes de documents, donc j’essaye d’apporter ma petite contribution. J’ai écrit un nouveau Linux User Guide qui vient d’être publié sous de la licence publique GPL dans le Linux Documentation Project. Ma version remplace la version actuelle qui date de 1996, ce qui est très vieux et périmé en termes informatiques/Linux. Le maintien à jour de ce travail m’occupera un bon moment. J’aimerais apprendre à programmer décemment en C et en Java, mais après une initiation à Java j’ai provisoirement arrêté. Pour l’instant, je recherche l’inspiration pour rédiger un cours sur "programmer dans Bourne Again shell (*)". J’ai juré que je ferais de mon mieux pour stimuler l’adaptation de Unix en général et de Linux en particulier. J’essaie de réaliser ce projet en donnant des cours et des ateliers Unix/Linux et cette activité rapporte suffisamment d’argent pour me permettre d’être indépendante, ce qui est finalement ce que je voulais. Pour ce qui est de l’avenir moins proche, j’envisage de rester indépendante et surtout de continuer à m’amuser dans mon travail.


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