Pourquoi y-a-t-il si peu de femmes dans les formations et les fonctions informatiques [1] ? Peut-être simplement parce que les représentations courantes des métiers des nouvelles technologies, fortement stéréotypées, ne correspondent pas à la réalité du secteur et n’attirent pas les filles.
La technologie et l’informatique sont considérées et imaginées comme des disciplines masculines ; l’ordinateur est dépourvu d’émotions et représente une évasion de la réalité ; l’informaticien est un adolescent, un "hacker", qui passe ses nuits rivé à son PC, recréant des fantasmes inassouvis dans un univers numérique. Cette image caricaturale de l’informaticien-hacker serait présente chez les adolescents/es et n’est attirante ni pour les garçons, ni pour les filles. Mais pour ces dernières, l’identification à ce type de personnage est d’autant plus difficile qu’elle nécessite une transgression identitaire importante : la société actuelle se fonde encore aujourd’hui sur une répartition sexuée des rôles et attribue aux femmes la responsabilité de la sphère privée, de la communication, des relations interpersonnelles. Du coup, s’identifier à l’image de l’informaticien n’est pas vraiment compatible avec ce que la société semble attendre d’elles... [2]
De plus, lorsque les femmes sont représentées en relation avec la technologie dans la publicité [3], il apparaît qu’elles le sont souvent en qualité de profanes tandis que les hommes le sont en tant que spécialistes. Dans ces mêmes images, les femmes sont généralement associées à la sphère privée (ménage, éducation des enfants, sexualité) tandis que les références masculines s’inscrivent dans la sphère publique (travail, politique).
Par contraste, quand des personnages féminins apparaissent dans des récits de fiction technologique (jeux, cinéma, bande dessinée), elles prennent souvent la forme de "super women", ultra moulées et performantes, jouant d’attributs dits masculins d’indépendance et de violence, loin encore une fois du projet identitaire projeté par et pour les jeunes filles et les femmes : sociable, dévouée, discrète,...
Au total, si on en croit les représentations en vogue, femmes et technologies ne font pas bon ménage. La carrière d’informaticien les rebute et la machine leur échappe...
Ces stéréotypes masculins, féminins et techniques, régulièrement entretenus par les images produites par la publicité, par le cinéma, la bande dessinée, perdurent ainsi dans l’imaginaire collectif, alors que la réalité des métiers et des personnes travaillant dans les nouvelles technologies peut se révéler plus complexe et plus ouverte aux différences de sexe et de personnalités. Mais ces stéréotypes ne sont pas toujours portés par les images "brutes" : notre lecture et interprétation des images peuvent aussi y contribuer.
[1] Elles représentent entre 8 et 10% des inscrits en Belgique et 15% des travailleurs.
[2] Extrait de "Dessine moi un informaticien", voir aussi l’article "Informaticien, un stéréotype très présent et très masculin".
[3] Voir la recherche analytique réalisée par ADA en collaboration avec Zorra (Observatoire des Médias) et le Centre d’études sur les femmes de l’Université d’Anvers, sur la représentation des femmes et des hommes dans la presse TIC.