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Interview avec Aicha, étudiante en graduat en informatique

Des femmes qui choisissent le domaine scientifique et technique pour leur profession, il y en a, bien sûr. Et pourtant, les universités se plaignent souvent qu’il n’y en a pas assez. Est-ce que les femmes rencontreraient de problèmes particuliers dans ce domaine ? Nous en avons parlé avec Aicha, qui a fait ce choix il y a des années au Maroc et qui l’a renouvelé récemment en Belgique, en s’inscrivant à un graduat en informatique.

Bonjour Aicha et merci d’avoir accepté cette interview. Comment et pourquoi as-tu décidé de commencer une formation informatique à Interface3 ?

Je suis de formation scientifique, je suis professeur de chimie et de physique, j’ai eu la chance d’être sélectionnée pour une formation informatique, une science qui m’a toujours fort intéressé et donc j’ai commencé avec enthousiasme. Ensuite j’ai passé une certification Microsoft et j’ai entamé un graduat en informatique.

Le choix vers des filières de formation scientifique a été pour toi un choix de jeunesse. Comment cela s’est-il passé ?

Quand j’étais à l’école primaire, j’habitais à la campagne. Pour aller en secondaire il fallait faire 40 kilomètres, aller du village à la ville. J’avais constaté qu’il y avait beaucoup d’étudiants qui arrêtaient au bout d’un an et quand je posais la question « pourquoi ? », la réponse était toujours la même : les maths, c’était très dur ! Voilà donc pourquoi j’ai voulu me concentrer sur les maths : pour bien réussir mes études secondaires. Une fois dedans, j’ai découvert que j’aimais bien.

Au Maroc, y avait-il beaucoup de filles en sciences ?

Pas beaucoup : 3 sur 40 à 45 élèves. J’avais choisi la filière des « sciences expérimentales » et après mon baccalauréat je me suis inscrite à l’école normale supérieure de professeurs : 3 filles parmi 360 garçons ! Les garçons nous chouchoutaient parce que nous étions leur rayon de lumière. Je n’ai jamais eu de problèmes avec mes camarades. Par contre j’ai eu un « accident diplomatique » pendant le premier cours d’éducation islamique : je n’ai pas pu accepter l’interprétation du Coran faite par notre professeur : il nous a parlé de « faiblesse de la femme » et moi, j’ai carrément abandonné le cours… avec mes camarades, qui m’ont démontré toute leur solidarité !

Quand tu étais étudiante, t’étais-tu déjà posé la question « que vais-je faire après » ?

Je voulais être prof, j’ai toujours aimé expliquer aux autres. De plus, je voulais être ma propre patronne. J’avais aussi des idées politiques, une façon de voir la vie du citoyen, et le seul moyen de les transmettre était d’être prof. C’est un domaine privilégié au Maroc, une oasis de liberté.

Pendant combien d’années as-tu été prof ?

Pendant 18 ans au lycée et à l’Académie royale militaire. Du 1982 au 2000.

Il y avait beaucoup de filles parmi tes élèves ?

Oui, et j’essayais de les encourager à continuer dans les sciences, mais elles viraient toutes vers les filières littéraires. Même quand elles étaient excellentes dans les matières scientifiques. J’avais beau les encourager, il leur manquait l’encouragement de leurs familles, de la rue…

As-tu été encouragée par tes parents quand tu étais petite ?

Oui, par mon père, qui me disait qu’il n’était jamais trop tard pour se marier, que j’avais le temps. Il a fait la même chose avec tous mes frères et sœurs : et on était 10 ! Et comme par hasard : les filles sont devenues scientifiques, les garçons plutôt littéraires ! Je pense qu’il a donné le bon exemple en nous envoyant, nous les filles, à l’école, dans une région où l’on se mariait à 10 ans…

Et ta maman dans tout ça ?

Ma maman est une artiste ! Tu sais, je pense que mes capacités en maths, sciences et technique, c’est de ma maman que je les tiens. Ma maman fait de la tapisserie artistique, mais en fait, elle fait des calculs hyper-compliqués : le dessin est le résultat des calculs qu’elle fait sans même le savoir. Moi je ne serais absolument pas en mesure de faire ce qu’elle fait !

Est-ce que tu penses que le fait de te voir toi, femme et scientifique, a pu changer la mentalité de tes élèves, qu’ils soient filles ou garçons ?

Je suis persuadée que oui. Par contre, je n’ai pas changé la mentalité des autres professeurs. Il y en a eu un qui a piqué une crise parce que certains de ses élèves voulaient suivre les cours de chimie avec moi : il a cassé tout le matériel du laboratoire et il est parti enseigner dans une autre ville !

Cela ne doit pas avoir été simple pour certains hommes de supporter ta détermination et ta réussite dans le secteur scientifique, fort masculin.

C’est vrai, mon frère aîné a abandonné ses études de math dès qu’il a réalisé que j’étais meilleure que lui ! Maintenant il est devenu un grand vétérinaire, mais les examens de maths c’est avec moi qu’il les a préparés…

Quand tu es arrivée en Belgique, tu as décidé de te lancer dans une formation informatique. Pourquoi ? S’agit-il d’un intérêt récent ?

Non, cela a commencé en 1984, mais en ce temps-là l’informatique n’était pas utile pour ce que je faisais. Quand je suis arrivée en Belgique je me suis dit que le moment était arrivé pour faire ce que je désirais depuis longtemps : une formation en informatique.

As-tu été frappée, en tant que prof, par le fait que les cours, chez Interface3, étaient des cours « au féminin » ?

Non, je pense qu’il faut donner aux femmes la chance de s’inscrire à des cours d’informatique. Dans une sélection mixte, ce seraient les hommes qui seraient choisis…

Dans ton graduat, par contre, il y a combien de filles ?

On n’était que 5 sur 48 en première année. À la fin on est resté à 3 femmes sur une trentaine d’élèves au total. Les femmes ont beaucoup de contraintes en plus qui les empêchent d’aller de l’avant…la famille, les enfants : les mentalités n’ont pas encore beaucoup changé : une femme est « habituée » à aider son homme à arriver jusqu’au but de ce qu’il a entrepris, mais est-ce qu’un homme fait la même chose pour sa femme ?

Explique-nous ce que tu fais en graduat

Je suis un graduat en Analyse-Programmation. C’est une formation généraliste, avec beaucoup de matières, mais axée sur l’analyse et la programmation. Il y a plusieurs modules à passer : en première année j’ai des cours d’analyse, de programmation et de système d’exploitation. On ne peut pas choisir, tout est établi à l’avance par l’école. Chaque module te donne accès aux suivants.

Comment vois-tu ton futur, qu’aimerais-tu faire ?

J’aimerais vraiment m’occuper d’un réseau, le mettre en place, m’occuper de son architecture de A à Z…

Interview : Elena Lanzoni


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