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La mascotte ADA, stéréotype sexuel ou fleuron de la féminité ?

« La fée abeille », grande gagnante du concours de la mascotte ADA

En fin d’année 2003, ADA a organisé un concours visant à donner un visage au thème « femmes et l’IT ». Plus de 100 hommes et femmes, garçons et filles ont relevé le défi et proposé un projet de mascotte à ADA. C’est la figure d’une fée abeille informaticienne qui a remporté le premier prix de la sélection, le 22 janvier 2004. Cependant, si le jury a vu dans cette fée la féminité personnifiée, certaines voix dans le public ont critiqué le stéréotype sexuel de la mascotte. Qui a raison ?

La gagnante du concours de la mascotte ADA est une figure féminine ailée comme une fée, dotée d’antennes comme un insecte, portant un ordinateur sur le dos et tapotant sur un clavier. Elle a les cheveux roux, porte des lunettes et une robe violette qui dénude ses épaules et ses jambes. Elle ne répond pas à l’idéal de beauté traditionnel - ses jambes sont un peu trop lourdes pour ce faire. Mais elle n’est pas laide non plus. Quant à son âge, il est indéfinissable.

Gagnante du concours mascotte :
Sandrine Calonne.

Un jouet de garçons

Pour le jury du concours de la mascotte ADA, composé de 11 femmes, cette mascotte créée par Sandrine Calonne (1) est celle qui répond le mieux aux critères fixés. La figure devait explicitement évoquer la participation des femmes aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC). Même si cette participation est plus réduite que celle des hommes, elle n’en existe pas moins. En effet, si la Belgique ne compte que 15% de femmes informaticiennes, le nombre d’utilisatrices de l’informatique est plus élevé (2).

Si bien que l’idée selon laquelle l’informatique est un secteur « masculin » n’est plus d’actualité. Elle ne l’a d’ailleurs jamais été. Songeons simplement à quelques-unes de nos mères spirituelles, Grace Hopper, inventrice du langage de programmation COBOL ou Ada Lovelace, première femme programmeuse... Pourtant, nombreux sont ceux qui continuent de percevoir l’informatique comme un « jeu de garçon » (3). Un jeu imprégné du modèle masculin des jeux vidéo où c’est l’homme qui, de manière stéréotypée, agit et la femme qui attend d’être conquise.

Un stéréotype

« Une fée ! Comment est-ce possible ! » se sont exclamé certaines personnes après la remise des prix. « On ne peut plus cliché ! Jamais une telle image ne se vendra. Les entreprises n’ont rien à faire d’une fée ». À la question que nous avons posée de savoir ce dont les entreprises ont alors besoin, la réponse fut la suivante : « D’une image plus active que celle d’une fée et plus ancrée qu’un personnage qui peut s’envoler à tout moment. Une fée ? C’est puéril ! ».

Si nous nous reportons cependant à l’argumentation du jury (constitué de femmes), l’interprétation est totalement différente. « Cela n’a rien d’un stéréotype. La fée évoque la liberté, l’intelligence, le sens de l’entreprise, un regard sur l’avenir, un sens de l’empathie, le dynamisme, la communication et la rapidité ». Bref, toutes ces qualités que les femmes peuvent exploiter lorsqu’elles font de l’informatique. Et les hommes aussi, d’ailleurs.

S’agirait-il d’un conflit entre deux mondes différents ? Cela en a tout l’air, en effet. On peut même y voir un conflit entre un imaginaire féminin et un imaginaire masculin ; un monde féminin peuplé de fées telles que la Fée Clochette, Barbie et autres modèles de beauté d’une part, et un monde masculin peuplé de modèles tels que Peter Pan, Action Man et autres machines telles que le Game Boy.

Images de femmes, images d’hommes

Nous ne percevons pas tous une image de la même manière, comme l’indiquent de nombreuse études (4). Notre perception dépend pour beaucoup du groupe auquel nous appartenons (homme ou femme, jeune ou moins jeune, allochtone ou autochtone, etc.). Les joies et les peines que nous avons connues dans notre vie, personnellement ou à travers les autres, sont aussi déterminantes. En d’autres mots, chaque image nous traverse par le biais d’un filtre de souvenirs individuels et collectifs. Ainsi, une image qui susciterait la joie chez les uns peut éveiller la peine chez d’autres, choquer les uns ou laisser les autres indifférents (5). L’image des femmes légèrement vêtues dans la publicité en fournit un bon exemple : pour de nombreux hommes (hétéro), cette représentation est agréable alors que pour beaucoup de femmes, elle provoque une certaine irritation.

Il est impossible de donner raison à l’un ou à l’autre. De même qu’il est impossible de dire quelle est la juste représentation - qu’elle soit masculine ou féminine. L’exemple de la femme légèrement vêtue dans la publicité le démontre clairement : il n’existe pas de représentation universellement « juste ». Seules existent des images qui plaisent à telle ou telle partie de la population, soit plutôt aux hommes, soit plutôt aux femmes par exemple. Et cela est vrai dès l’enfance. Que l’on soit d’accord ou non, l’imaginaire de la plupart des petites filles est peuplé de fées et de princesses et celui des garçons, de cow-boys et d’indiens. Et l’un ne vaut pas mieux que l’autre. En revanche, ce concours de la mascotte ADA nous révèle qu’accepter cette évidence semble, pour les hommes, plus facile à dire qu’à faire. Pour accorder aux représentations que les femmes se font, autant de crédits qu’aux représentations des hommes, il semble qu’il faille déployer encore des efforts et une plus grande capacité d’écoute.

Comme le disait un des membres féminins du jury : « Je suis heureuse d’avoir participé à ce jury. Quand j’étais enfant, les fées ne me plaisaient pas. Je préférais jouer aux cow-boys et aux indiens. Il m’a donc été très difficile d’évaluer un bon nombre des propositions de mascottes. Presque toutes représentaient une fée ! Mais en écoutant les autres membres du jury, je me suis rendu compte que nous pouvions aussi respecter l’imaginaire des autres. De sorte qu’aujourd’hui, les fées ne me paraissent plus être des créatures bébêtes. Elles sont actives, intelligentes, rapides, persévérantes, dynamiques, communicatives… Bref, tout ce à quoi je peux m’identifier. Et au fond, davantage même qu’à Action Man ».

Corine Van Hellemont
Mars 2004

Pour en savoir plus

(1) Le concours mascotte ada
(2) Femmes et IT en quelques chiffres
(3) Defaites vos idées toutes faites sur l’informatique !
(4) Fé.losofie (2001)
(5) www.zorra.be


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