Au creux de la famille…
Beaucoup de femmes utilisent des ordinateurs, dans leur travail ou à titre privé, mais très peu en font leur métier : comme dans la majorité des métiers scientifiques et techniques, les femmes sont peu représentées dans les carrières informatiques. Ce constat amène automatiquement la question du pourquoi. On les sait moins intéressées et moins motivées. En fait, tout porte à croire que le fossé se creuse dès le plus jeune âge, via des pratiques d’éducation pas aussi neutres qu’on pourrait le penser…
Les femmes, pas faites pour l’informatique ?
Les différences entre garçons et filles sont souvent renvoyées à la biologie. En effet, d’après certains chercheurs, les hommes et les femmes feraient travailler différemment les deux hémisphères de leur cerveau ; le peu d’intérêt des femmes pour les sciences viendrait de là. Elles seraient en revanche plus aptes à communiquer que les hommes.
Mais comme le soulignent certains auteurs (1), si les études concernant les différences biologiques et intellectuelles entre hommes et femmes sont légions, elles sont cependant souvent contradictoires et leurs résultats peu convaincants. S’il existe des différences biologiques entre hommes et femmes, leur effet sur le comportement semble limité. De plus, les relations entre inné et acquis sont souvent complexes : en effet, on sait désormais que les comportements peuvent influencer la structure même de notre cerveau et pas seulement l’inverse
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Une socialisation différenciée
Par contre, la socialisation est pointée du doigt comme étant la principale source du gouffre qui se creuse peu à peu entre garçons et filles, pour faire des hommes et des femmes des créatures si dissemblables. En effet, il existe des normes sociales quant à la manière appropriée dont garçons et filles doivent se comporter, et ce, dès leur plus jeune âge. Les stéréotypes de genre sont ainsi des normes : on s’attend à ce que les petites filles soient douces et aiment les poupées, tandis qu’on espère des petits garçons un goût pour les jeux de construction et un tempérament actif.
Ces attentes deviennent une pression, et par toute une série de mécanismes, les enfants finissent par se conformer aux stéréotypes. On punit l’enfant qui n’agit pas comme espéré ou on lui offre les livres et les jouets qui correspondent à l’idée qu’on se fait de ses goûts « innés ». De même, dans son environnement, il observe et imite les adultes du même sexe que lui. Et comme prévu, les filles en viennent à préférer la littérature à l’informatique et à se sentir démunies face à un PC… Quelle surprise !
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La "voie royale" des jeux vidéos
Souvent cités comme source d’intérêt pour l’informatique, les jeux vidéos s’adressent principalement aux garçons. Entre six et dix-sept ans, les jeux représentent 80% de leur utilisation de l’ordinateur. Or la plupart de ces jeux sont basés sur des stéréotypes masculins (batailles, compétition, violence… )(2), qui intéressent assez peu les filles. A partir de cette activité de loisir, les garçons acquièrent des compétences techniques. La puissance du processeur, la qualité de la carte graphique, la quantité de mémoire vive disponible sont des données importantes pour jouer confortablement. Les discussions entre joueurs renforcent encore ces compétences. Cependant, ces dernières années, des jeux différents (comme Les Sims) et le développement d’internet semblent toucher un public féminin de plus en plus passionné. Peut-être l’avance des garçons est-elle en passe de se réduire ?
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Rôle et accès
Au delà de l’enfance, des contraintes structurelles empêchent souvent les femmes de se familiariser avec l’informatique. Les ordinateurs ont longtemps été très chers et le faible pouvoir économique des femmes ne leur permettait pas d’en posséder un à elles. De plus, dans de nombreux foyers, lorsqu’on achète un ordinateur, c’est souvent soit pour les enfants (qui n’ont en général ni l’envie, ni la patience, d’apprendre à leur maman à l’utiliser), soit pour travailler, et dans ce cas, c’est le plus souvent l’homme qui s’en sert, puisque c’est lui qui occupe la fonction professionnelle valorisée et considérée comme essentielle.
De surcroît, les femmes manquent de temps. Beaucoup font encore la " double journée " : en plus de leur emploi, elles doivent assurer quotidiennement les tâches domestiques, faire les courses, le ménage, préparer les repas... Du coup, elles sont les dernières de la famille à se familiariser avec l’ordinateur. Les autres (mari, enfants) en savent forcément plus qu’elles. Difficile de prendre confiance en soi dans ces conditions… On a vite fait de se dire qu’on ne comprend pas parce qu’on est nulle, sans penser à tout le temps que les autres ont eu pour apprendre…
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Conclusion
Avant même de quitter le logis, les filles sont déjà mal parties dans l’aventure informatique. La socialisation sexuée, via l’imposition de normes sociales, les éloigne de la technologie en général, et de l’ordinateur en particulier. Outre ce manque d’intérêt, elles se sentent souvent incapables de maîtriser une machine dont elles n’ont finalement que peu d’expérience, puisque peu d’usage. Pourtant, rien au départ ne prédispose les filles à ces difficultés… N’est-il pas temps de revoir nos pratiques éducatives et de songer au pouvoir que nous avons sur le devenir de nos enfants ?
(1) Vidal, C. (2001). Quand l’idéologie envahit la science du
cerveau. La Recherche, hors série n°6 "Sexes : comment on devient
homme ou femme".
(2) Il suffit de voir les titres de ces jeux : Street Fighter, Mortal Kombat, Counterstrike… Même un jeu dont le personnage principal est une femme, comme Tomb Raider (avec son héroïne, la pulpeuse Lara Croft), se fonde sur ces ressorts. Et le succès des jeux les plus sanglants, comme Doom et ses nombreux clones et dérivés, où pour gagner il faut tirer sur tout ce qui bouge, ne se dément pas.
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