Pour Frederic Jameson, l’individu est pris dans un network/réseau très difficilement cartographié. Pour Susan Sontag, l’art postmoderne est résistant à l’interprétation, moins unifié, plus anarchique, plus concerné de s’intégrer dans un processus de compréhension que de finitude ou d’unité artistique. Les théoriciens et artistes postmodernes ont une conscience critique et reprochent aux modernes leur croyance qu’un art puisse convenir à toute l’humanité et être libre de toute implication politique.
Ce mouvement n’est pas, d’emblée, un mouvement esthétique, mais apparaît dans des cercles académiques (au travers de personnalités comme Roland Barthes, Jacques Derrida ou Michel Foucault) et est bel et bien basé sur des fondements philosophiques, politiques et sociologiques qui se dissémineront ensuite vers les avant-garde artistiques (littéraires, picturales et cinématographiques).
Un des principes fondateurs du mouvement est l’idée de déconstruction et de relativisation, apportée par Jacques Derrida.
Selon lui, la vérité est toujours relative aux différents points de vue et aux schémas intellectuels préexistants du sujet qui juge. La ’définition’ de quelque chose n’est donc jamais possible, puisque, malgré les tentatives d’objectivisation, elle dépend toujours d’un point de vue (cette conception sera même appliquée, même si hautement contestée, aux livres d’histoire et au langage scientifique accusés de reproduire des points de vue déterminés sur les événements ou les découvertes). Derrida refuse ainsi de croire que le rapport entre le langage et le monde est totalement fondé et crédible. Nous ne pouvons savoir que ce que les mots (qui sont pris dans un système conceptuel) nous permettent de savoir sur la réalité. De plus, ils induisent une forme de hiérarchisation des choses sur d’autres.
C’est ici qu’intervient le processus de déconstruction, à travers l’idée que le monde, son système social et l’identité sociale ne sont pas des éléments qui sont des données mais sont bel et bien construites par le langage ("nous vivons, non pas dans la réalité, mais bien dans nos représentations de la réalité") et qu’elle doivent systématiquement être soumises à des changements.
Dans cette perspective, le lecteur/spectateur doit être indépendant de celui qui produit l’œuvre (qui est une autorité qui impose son point de vue) ; il ne faut pas croire en les intentions de l’auteur ni au ’réalisme’ proposé. L’auteur est vu comme un propriétaire bourgeois et capitaliste qui détient ses significations. Le texte doit être perçu en dehors de son approche, libéré, démocratisé. La déconstruction est ainsi un processus politique et idéologique par lequel on subvertit, expose, "défait" et transgresse le texte.
Plusieurs principes et processus vont se trouver à la base d’un travail postmoderne de l’œuvre :
une construction de la réalité ;
la démonstration de l’existence d’un discours dominant et de "l’autre" ;
Dans le travail de déconstruction postmoderne, il existe une seule forme de discours : celui des éléments et des structures dominantes qui imposent une vision du monde à travers le langage. C’est ce langage qui établit toutes les figures de la marginalité (les homosexuels, les femmes, les autres ethnies, etc.) et les établit comme "l’autre" (Michel Foucault étudiera ainsi les discours légaux, de médecins, etc. pour prouver cette capacité à hiérarchiser les rapports sociétaux à travers le langage) ; les mouvement underground anarchiques du film aux théories cyberpunks dans lequel un contre-pouvoir révolutionnaire agit dans l’ombre.
une logique de déconstruction et de désacralisation des ’grands récits’ (c’est également le cas du Sacré Graal qui reprend la légende d’Arthur) ;
scepticisme et nostalgie ;
Il est clair que l’ensemble de ces éléments mènent d’emblée à une autre caractéristique du mouvement postmoderne à savoir un scepticisme affirmé vis-à-vis de tout (trace laissée par les séquelles de violence et de sauvagerie de la Deuxième Guerre Mondiale desquelles la société ne se remet pas), mais principalement de la représentation de la réalité ; pour eux, toute représentation ne peut être qu’une construction, ce qui laisse un sentiment de relatif pessimisme mais aussi de nostalgie vis-à-vis de structures préexistantes. Cette vision en opposition de deux mondes s’articule sur l’utilisation du terme "modernité" par Chateaubriand en 1833 dans le journal qu’il écrit pendant son voyage entre Paris et Prague, à savoir la ’meanness’ et la banalité de la vie moderne quotidienne opposée au sublime éternel de la nature et de la grandeur d’un passé légendaire médiéval. Selon Jean-François Lyotard et son essai sur la postmodernité, l’équation est encore plus simple, entre optimisme (vie légendaire et mythique regrettée) et pessimisme (la confrontation à l’univers quotidien).
Conception particulière du temps conditionné par l’aspect nostalgique. Selon Arnold Toynbee et Barry Smart, le postmodernisme voit la société perdre son énergie créatrice et vivant dans un présent sécurisé, satisfaisant et ’timeless’/éternel. Cette confusion temporelle va naître aussi d’un collage perpétuel en ce qui concerne la matière même de l’œuvre.
intertextualité & syncrétisme ;
En tant que style, le postmodernisme met l’accent sur la diversité, montre un penchant pour le pastiche et préconise l’utilisation éclectique d’éléments de textes préexistants par le biais de citations directes, indirectes, d’assimilation ou encore de relectures.