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Interview avec Stéphanie Malchair, consultante PGI chez Ordiges, société éditrice de Progiciels Intégrés.
Être consultante PGI (ProGiciel Integré), signifie pouvoir jongler entre l’informatique et les fonctions spécialisées de l’entreprise (gestion du personnel, administration, comptabilité…). De plus, cette fonction nécessite de bonnes aptitudes communicationnelles.
C’est un métier nouveau et complexe auquel on ne pense pas immédiatement lorsqu’on pense au secteur informatique, et pourtant il est très recherché sur le marché de l’emploi. Nous en avons parlé avec Stéphanie Malchair, qui exerce ce métier depuis quelques années chez Ordiges.
Bonjour Stéphanie, pourrais-tu, tout d’abord, nous expliquer ce qu’est un progiciel intégré (PGI) ou un « Enterprise Resource Planning » (ERP)
 Stéphanie Malchair |
Je peux vous expliquer en quoi consiste notre progiciel intégré, qui est un exemple parmi d’autres de PGI (ProGiciel Integré), et qui a la particularité d’être spécialisé dans tout ce qui est secteur public. C’est un ensemble de logiciels qui, intégrés en un seul, accèdent aux mêmes bases de données. Notre logiciel est composé de plusieurs modules, plusieurs « métiers » qui automatisent le travail des différents départements d’une société. Il y a le module comptabilité qui est le cœur du logiciel. Autour de ce cœur il y a différents modules périphériques, comme les organes du corps humain : le module « suivi du contentieux » qui prend en charge toutes les actions légales, de la mise en contentieux aux rapports avec les avocats ; ensuite la gestion des immobilisés, qui gère les biens patrimoniaux de la société ; après, le module économat c’est à dire la gestion des stocks, le module gestion des sociétés immobilières (service public) et le module suivi des prestations, qui gère le suivi des time-sheets. Nous avons aussi un module plus spécifique au secteur hospitalier : le module « organismes assureurs ».
Un consultant ERP, chez nous, doit se familiariser avec chaque module.
Quelle est ta formation de base ?
J’ai fait un bac plus 3 en France, en comptabilité, avec une orientation gestion. Les matières les plus importantes étaient la comptabilité, la gestion, l’approche des sociétés au niveau juridique, et des cours d’informatique de gestion, environ quatre heures par semaine (pas de l’informatique « pure »).
Tu n’as donc pas suivi des cours spécifiques pour « devenir » consultante ERP.
Il n’y a pas de formations spécifiques car il s’agit d’un nouveau métier qui demande des compétences techniques, des connaissances approfondies du métier pris en charge par le logiciel et des capacités pédagogiques et de relations humaines. Cette complexité fait toute la difficulté, pour l’employeur, de trouver un bon consultant. Quand on a un bon consultant, on le garde !
Le métier de consultant est un métier hybride, qui nécessite un bon équilibre de différentes qualités. C’est avec mon premier emploi que j’ai réalisé que ma formation universitaire n’était pas adaptée au monde du travail : trop peu de travail pratique, trop peu de confrontation avec le milieu professionnel…
Comment as-tu débuté ta carrière professionnelle ?
J’ai trouvé un poste de comptable, orientation gestion dans une banque à Paris. Ensuite j’ai rencontré mon mari, et je suis venue vivre en Belgique. Une fois ici, j’ai postulé pour un poste de « contrôleur de gestion » qui mélangeait les aspects de gestion et de comptabilité. C’est dans ce cadre que j’ai commencé à travailler avec un logiciel très performant et intéressant : SUN, un gros logiciel pour tout ce qui est multinationales et grandes sociétés, qui permet des consolidations comptables au niveau d’un groupe, gère les aspects analytiques, la gestion des coûts, l’aspect suivi budgétaire et le reporting.
Après quatre ans j’avais envie de voir autre chose : j’ai démissionné pour commencer à travailler dans une société éditrice de logiciels de comptabilité, Ordiges, en tant que consultante en informatique et gestion.
Quelle a été ta première fonction chez Ordiges ?
Mon premier travail, pendant les premiers 4 mois, a été d’essayer de comprendre le logiciel dont je devais devenir consultante PIA : étudier toutes ses fonctionnalités pour pouvoir, par après, les implémenter chez le client. La formation à ce logiciel comportait une partie d’auto - apprentissage et une partie de cours donnés par des collègues plus expérimentés : un mélange de travail personnel et de travail de collaboration. Il y avait une partie théorique, des exercices pratiques et après, chaque consultant en herbe pouvait, selon sa sensibilité, approfondir un thème.
Peux-tu nous donner un exemple d’exercice pratique que tu as dû faire pendant cette formation ?
Par exemple : encoder une facture d’achat, la payer à son fournisseur, pouvoir rapprocher son payement avec la facture,, et voir combien d’argent on doit encore au fournisseur. Cela permet d’avoir un workflow : tout ce qui s’est passé avec ce fournisseur de A à Z.
Après ces premiers mois d’apprentissage, comment as-tu commencé ton travail de consultante ?
Dans un travail de consultance pour un progiciel, il faut connaître le métier pris en charge par le progiciel, le logiciel en lui-même, et avoir de bonnes compétences en « gestion de projet ».
Dans mon travail, la gestion de projet comporte différentes étapes :
- une phase d’analyse (audit) des « circuits » de l’institution ou de l’entreprise, de leur façon de travailler ;
- une phase de paramétrage qui a comme but de fournir un logiciel le plus possible « sur mesure »,
- une phase de formation aux utilisateurs,
- et enfin une phase d’aide au démarrage, pendant laquelle on est aux côtés des clients pour les aider à faire leurs premiers travaux dans le logiciel.
Bien sûr, au début, on est incapable de prendre en charge la « gestion du projet » : généralement on suit un chef de projet ou un « consultant senior » qui maîtrise déjà toutes les phases du projet et qui peut aider les « juniors » à se familiariser avec chaque étape.
La première phase par laquelle tout consultant junior doit passer est le paramétrage : après 3 mois de formation il doit savoir bien paramétrer le logiciel. Vient ensuite la formation aux clients, avec au début le consultant senior à côté, en « garde-fou », pour répondre à d’éventuelles questions pointues de la part du client. C’est seulement après avoir développé une bonne expérience que l’on peut aborder la phase d’analyse.
Quand tu es allée chez un client pour la première fois, avais-tu une vision globale du logiciel ?
Absolument pas, pas du tout une vision globale ! Par ailleurs, elle n’est pas nécessaire, on se concentre plutôt sur le côté fonctionnel : on doit pouvoir répondre aux nécessités du client sur une partie des fonctionnalités de base du logiciel. Quand on démarre avec un client, on va peut—être utiliser 20% de ce que le logiciel sait faire.
Qu’est-ce qui t’a poussée à t’intéresser plus au côté technique du progiciel ?
C’est le contact avec les clients qui m’a poussée à comprendre le cœur du logiciel. Nous avons à faire à deux publics : d’une part les personnes qui vont travailler au quotidien avec le logiciel, c’est à dire les comptables qui doivent « rentrer » correctement l’information ; d’autre part les directeurs financiers, qui sont plus intéressés par les fonctionnalités de « restitution de l’information » : comment obtenir un bilan, comment contrôler la comptabilité.
Ce genre d’utilisateurs doit pouvoir créer son propre reporting : choisir lui-même quel champ de quelle table de la base de données afficher dans leur reporting… C’est là que le consultant doit savoir rentrer dans la logique profonde du logiciel. Et pour faire cela, il faut apprendre : en partie en étudiant soi-même et en partie en collaboration avec les développeurs, qui créent le progiciel. Quand on veut répondre aux exigences complexes du client, on veut apprendre. On ne souhaite pas spécialement qu’un client aille voir un autre consultant !
Pour comprendre le cœur du logiciel, as-tu suivi des cours spécifiques ?
Non, je me suis acheté un bouquin de SQL, le langage qui sert à interroger les bases de données relationnelles et j’ai appris toute seule…J’ai commencé à travailler le langage SQL, pour satisfaire les exigences du client. Cela m’a beaucoup amusée et m’a permis de comprendre réellement le fonctionnement du progiciel.
Raconte-nous une journée type de ton travail
C’est très difficile car ce n’est pas un travail de routine. Je tiens à dire que je travaille à 3/5ème pour le moment ! Dans les 3 jours où je travaille pour Ordiges, il a une partie « de bureau », c’est à dire faire son propre planning, apporter sa propre collaboration en interne, organiser des formations pour les « juniors ». En suivant l’ordre chronologique d’un projet, je dirais que je m’occupe de pré-vente quand par exemple j’organise des séminaires et des démos pour des clients potentiels. Je prépare des ’slides’ de présentation des produits et je rentre ensuite dans le vif du logiciel avec les participants. Il y a ensuite le démarrage de projet chez le client qui une fois installé rentre dans un processus de maintenance : l’installation de nouvelles fonctionnalités d’un même module voire l’installation d’un nouveau module. Il m’arrive de donner cours ou de suivre des consultants juniors qui s’en chargent. Il y a deux types de formation : la formation chez le client, qui est suivie par 5 - 10 personnes et la formation groupée multi-clients en cours d’année sur un thème précis. C’est une formule très intéressante car cela leur évite des frais de déplacement d’un consultant et ainsi pouvons offrir aux clients des prix plus intéressants.
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S’agit-il d’un métier stressant ?
Oui, car si on est face à beaucoup de reconnaissance de la part du client, on est aussi face à des plaintes éventuelles… Il faut avoir de bonnes compétences psychologiques : un des aspects qui me passionne le plus c’est l’ « aide au changement » qu’on apporte aux clients. Il m’est arrivé de devoir faire face à des clients qui, au début, étaient très méfiants et agressifs. Il faut penser que le changement de leur travail au quotidien, provoqué par l’achat du logiciel, est une décision de la direction, les utilisateurs n’ont pas choisi le changement. Modifier l’attitude du client et savoir l’accompagner dans le changement : c’est là toute la difficulté « psychologique » du métier. Ensuite une autre difficulté est de rendre autonome le client, en lui faisant comprendre que le rapport privilégié qui le lie au consultant ne doit pas l’empêcher de demander de l’aide au service de hot line qu’Ordiges met à disposition ; il est fréquent en effet que le client essaie de régler des problèmes de tout niveau directement avec le consultant… Par contre, il faut accepter sans stresser les changements qui sont perpétuellement apportés au logiciel : rien n’est figé pendant 10 ans, l’évolution est continuelle et il faut vivre dès le début avec l’idée qu’on a beau connaître le logiciel, une nouvelle version est déjà en phase de développement…
S’agit-il d’un métier fort féminisé ? Combien des femmes y-a-t-il dans ton équipe ?
L’équipe de consultantes est composée de 20 personnes, 40 % de femmes et 60 % d’hommes. J’ai remarqué que le côté analyse, les femmes le font de manière beaucoup plus approfondie… J’ai le sentiment qu’elles se posent beaucoup plus de questions, vont plus en profondeur…
S’agit-il de la fameuse curiosité féminine ?
C’est un travail pour lequel on a besoin de femmes, car leur présence casse ce milieu d’hommes au niveau informatique, ce qui crée un équilibre indispensable pour la réussite du projet. Je pense que cet équilibre a été voulu et cherché dans ma société par la direction, et cela dans tous les départements : nous avons deux programmeuses pour notre module LORD dans une équipe de 9 personnes. Et nous avons une responsable de développement qui est une femme et qui a en dessous d’elle que des programmeurs hommes !
Interview : Elena Lanzoni
Octobre 2004
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