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Entretien entre cyber-féministes : Ada, Nat Muller, Diana McCarty et Betty de SexyShock Le cyber-féminisme est un mythe. Une fable sur l’infiltration des virus féminins dans le techno-monde masculin du cyberespace. Une légende sur l’identité virtuelle utopique, dénuée de toute dimension de sexe, de race, de classe ou d’âge. Le cyber-féminisme est le féminisme. Non pas au sens personnel mais au sens où l’ordinateur devient politique. Il s’agit de contrôler en propre les nouvelles technologies et de lutter contre les inévitables stéréotypes qui, via des applications, parasitent la nouvelle ère du digital. Ada s’est glissée dans la peau des cyber-féministes et a mené un entretien avec trois collègues de la scène internationale. Le festival média international NEURO (1) est un lieu de rencontre pour les cyber-féministes de tous acabits. Ada y a animé une conversation entre Nat Muller (2), Diana McCarty (3) et Betty (4) : à propos des « genderbrowsers », de la technophobie féminine, de l’intelligence artificielle et de la colonisation biotechnologique du corps féminin. Ada : D’après Alla Mitrofanova, une des oratrices présentes à la première rencontre cyber-féministe en 1997, le (cyber)-féminisme est un « navigateur que vous utilisez pour regarder le monde » (5). Que voulait-elle dire par là ?
Betty : Il faut être vigilant car aujourd’hui le concept « queer » (= il n’existe aucune identité fixe ) se substitue de plus en plus au « genre ». Dans le cyber-féminisme, il ne s’agit souvent plus seulement des questions de masculinité et de féminité mais aussi de tout ce qui se trouve entre, en deçà et au-delà de ces questions. Diana : Ce n’est pas seulement une manière de voir les choses mais aussi de les aborder. Ce n’est pas parce que je travaille avec différents groupes de femmes que j’appose l’étiquette « féministe » sur mon boulot. Que je travaille avec des hommes ou des femmes, que je fasse de la politique, mon féminisme se retrouve toujours dans tous les aspects de mon travail et de ce que je fais. J’ai, par exemple, participé au développement d’un serveur pour l’International Women’s University (6). Au début du semestre, le serveur n’était pas encore tout à fait prêt et les femmes (issues de près de 110 pays) ont eu l’occasion de développer le système avec nous de sorte qu’il réponde à leurs besoins spécifiques. Non seulement, cette méthodologie féministe a donné lieu à une application logicielle qui a remporté un prix, mais elle a aussi procuré aux femmes qui ont co-réalisé ce projet un fort sentiment d’identification. Ada : Une cyber-féministe de la première heure, Sadie Plant, écrit dans son livre « Zeros and Ones » (7) que les femmes n’ont aucunement joué un rôle médiocre et marginal dans le développement des machines digitales. Elle évoque Ada Lovelace en tant qu’héroïne de l’histoire de l’informatique et décrit comment les femmes, du métier à tisser, en passant par le téléphone et jusqu’à l’ordinateur à cartes perforées, ont toujours été intrinsèquement liées à la simulation, l’assemblage et la programmation de la technologie. La femme technophobe ne serait-elle qu’un malentendu entêté ? Nat : Il est vrai que tout au long de l’histoire, les femmes ont toujours su comment aborder la technologie. Le malentendu de la femme technophobe est basé sur une hiérarchie artificielle cultivée dans un monde technologique dominé par les hommes. Certaines technologies ménagères par exemple sont assez compliquées (ne songeons qu’à la programmation d’une machine à laver) mais vu que la forme de cette technologie porte généralement le sceau de « féminin », elle se trouve, sur l’échelle hiérarchique de la technologie, à un niveau inférieur à la technique automobile.
Nat : La critique féministe sur les sciences masculinisées, que l’on doit notamment à Donna Harraway (9) et Helen Longino (10) constitue en effet la pensée féministe la plus intéressante de ces dernières années. Celle-ci a montré que les premiers « ordinateurs à cartes perforées » étaient programmés par des femmes et que ces femmes étaient appelées « computers ». En d’autres termes, le nom de la machine elle-même trouve son origine dans une fonction féminine. Mais comme cette étymologie a été passée sous silence, tout a été masculinisé. Il en va de même pour la « course des spermatozoïdes ». On raconte aux enfants que les spermatozoïdes, au terme d’une course folle s’engouffrent dans l’ovule. Mais c’est exactement le contraire : c’est cet œuf intelligent qui attire à lui des millions de cellules idiotes. Même dans cette simple explication biologique, le pouvoir hiérarchique dans lequel s’inscrivent aussi le genre et la technologie trouve son expression. Diana : En effet, le patriarcat n’est pas un simple mot issu de l’histoire politique ; il exerce un impact réel. Nous essuyons aujourd’hui encore les conséquences d’une science développée par les hommes blancs, dans laquelle ils ont projeté leurs problèmes personnels. C’est ainsi qu’ils ont décrété que la programmation, tout comme la science, était objective et « dure ». Pourtant, certaines découvertes scientifiques auraient été totalement différentes si les femmes avaient contrôlé la science. Ada : De nombreuses cyber-féministes voient dans le développement des technologies de nouvelles possibilités pour se libérer du patriarcat : dans le cyberespace, le corps n’est plus biologique, le genre devient fluide et la structure du web digital démantèle la hiérarchie masculine qui domine le monde. Le (cyber)féminisme deviendra-t-il superflu au troisième millénaire ? Diana : Dans tout cet enthousiasme, il est important de spécifier de quelle technologie il est question lorsque nous parlons de la libération de la femme par les évolutions technologiques. Ce ne sont pas seulement les technologies digitales de l’information et de la communication mais aussi les évolutions de la biotechnologie qui exercent une influence sur la vie, le travail et le corps des femmes.
Nat : L’intelligence artificielle (IA) et la vie artificielle constituent un autre champ biologique important, qui exige l’attention des (cyber)féministes. Alison Adam (12) et Sarah Kember (13) ont déjà révélé que le monde de l’IA a été totalement masculinisé et que la logique (masculine) utilisée s’avère ne pas fonctionner dans le domaine de la vie artificielle. Ce n’est que maintenant que la science découvre que ceux qui veulent développer des systèmes de connaissances doivent recourir à la connaissance de tous et donc également à la connaissance implicite (tactile) à laquelle les femmes sont rompues (l’éducation des enfants, les tâches ménagères, la cuisine, etc.) en raison de cette distribution séculaire des rôles. Or cette connaissance est de plus en plus envisagée par la science comme « allant de soi ». Lize De Clercq
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