ADA - Femmes et Nouvelles Technologies

 

Epilogue : Le futur de l’Eve virtuelle


A la fin de ce périple, revenons un instant sur la question de Renata Klein : ces héroïnes participent-elles vraiment au ’mouvement de libération’ de la femme ? Faut-il réellement, comme le suggère Rosi Braidotti, refuser tout renvoi archaïque, faire table rase de toutes les représentations féminines préexistantes pour engendrer la figure unique de la cyberhéroïne ? L’exemple d’Ellen Ripley à cet égard me semble particulièrement parlant. Son parcours retrace l’historique de la condition féminine : Ripley est d’abord le fantasme de la femme-éprouvette, parfaite grâce aux efforts masculins, née de leur imaginaire, ’domptée’ par ses créateurs et engendrée à des fins de reproduction. Comme les anges au foyer dix-neuvièmiste elle est entièrement contrôlée par sa fonction reproductrice et son rapport à l’homme/ses désirs. Mais Ripley se révolte contre cette condition et, dans une scène fabuleuse, se retrouve face à ses propres clones ; en accédant à la demande d’un de ses clônes ratés qui la supplie de la tuer, Ripley accomplit, exauce le vœu de Virginia Woolf qui préconisait de "tuer l’ange au foyer" (killing the angel in the house) pour accéder à sa libération. Mais même si elle tue les autres ’exemplaires’ monstrueux, Ripley n’en reste pas moins tributaire d’une lignée mythique qui constitue, en partie, son identité.

Refusant donc de faire table rase des stéréotypes pour créer d’autres corps, ces exemples filmiques mettent en scène des possibilités de changer les dichotomies existantes, les points de vue et la réception spectatorielle. En effet, "cyborgs/cyberheroines defy dualism". Les cyberhéroïnes sont donc les déesses du 21ème siècle, prêtes à engendrer une nouvelle mythologie sur les cendres de leurs ancêtres archaïques. Même si elles sont nées d’un imaginaire et d’une production masculines, je suis prête à croire en ces nouvelles déesses, fortes, complexes et qui mettent en péril le patriarcat en n’étant jamais victimes d’une représentation manichéiste et simpliste comme le sont souvent les personnages masculins qui habitent nos écrans de cinéma.


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