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Les effets de la globalisation sur votre vie

Aujourd’hui, on parle de globalisation dans tous les contextes : ouverture des frontières, commerce international et internet sont les ingrédients principaux de ces changements. Dans le cadre d’un vaste projet d’enquête européen, du nom de ’Globalife’, les conséquences immédiates de la globalisation sur les vies des hommes et des femmes ont été analysées.

Avant de commencer la rédaction de cet article, j’ai discuté de la question avec quelques amis : à quoi pensez-vous lorsque vous entendez le terme ’globalisation’ et quels sont ses effets sur votre vie ? L’un note que l’on peut trouver de nombreuses choses nettement moins chères sur le net, comme les vêtements ou les lentilles de contact. Un cynique fait remarquer que ces vêtements meilleur marché ont très probablement été cousus dans des sweatshops (ateliers de couture où les conditions de travail sont illégales et où le salaire des ouvriers est extrêmenent bas). "Mais via internet," ajoute un troisième, "il y a toute une série d’actions qui sont lancées contre, notamment, les sweatshops." Ce qui est logique, l’information se circulant très vite via internet.

Me voilà donc bien curieuse de voir comment les enquêteurs avaient abordé la question. Est-il possible de déterminer les conséquences de la globalisation sur notre vie quotidienne ? Pour donner un sens aux résultats, les enquêteurs ont défini une série de micro-niveaux : se marier ou décider de vivre ensemble, avoir des enfants, acheter une maison, et le déroulement des carrières des hommes et des femmes. Sans oublier une attention toute particulière accordée aux différences entre le plan de carrière des femmes et celui des hommes.

La Terre est plate

Dans l’ensemble, les constatations recoupent ce qui était déjà présenté dans le livre ’La Terre est plate’, publié à la fin de l’année dernière par Thomas Friedman. Ce journaliste New-Yorkais a voyagé un peu partout dans le monde, en essayant de mettre des mots sur une série de phénomènes liés à la globalisation. Il a parlé aussi bien avec des entrepreneurs internationaux possédant des bureaux dans au moins cinq grandes villes que des collaborateurs de call-centers en Inde. Dans l’une de ses observations, il fait une distinction entre les "touchables" et les "untouchables", c’est à dire ceux qui sont touchés par ce monde changeant, et ceux qui ne le sont pas. La seule différence remarquable, est que soit les ’intouchables’ ont une institution très flexible, ou bien ils sont d’immenses experts, généralement dans un domaine technologique, mais pas nécessairement. Les porteurs de savoir académique, juristes et autres entrepreneurs internationaux sont quasiment assurés de trouver du travail dans ce monde globalisant, à condition de ne pas hésiter à s’occuper d’un projet aux Etats-Unis, puis d’un autre en Malaisie. On peut évidemment se demander si une collaboratrice de production gantoise peut aussi facilement mettre le cap sur la Pologne lorsque l’entreprise y ouvre de nouveaux bâtiments.

Sur base de l’enquête Globalife, dont certaines parties ont été réalisées dans quatorze pays différents, le livre ’ Globalization, Uncertainty and Women’s Careers’ a été publié . Ce livre décrit combien la position des femmes sur le marché du travail ne cesse de s’affaiblir avec la globalisation des marchés, marché du travail inclus. Le raisonnement est le suivant :

  • d’un côté, le commerce s’internationalise, et la concurrence augmente puisqu’une société en Belgique n’est plus seulement en compétition avec les autres sociétés belges, mais également avec des sociétés européennes, chinoises ou indiennes. Il suffit de penser aux opticiens, qui sont aujourd’hui en concurrence avec leurs collègues d’outre-mer qui vendent via internet.
  • Par ailleurs, le marché est de plus en plus important dans la fixation des prix (par opposition à une fixation des prix en fonction du coup de production par exemple), et le marché peut être totalement hasardeux, comme le montre le marché des actions par exemple.
  • D’un autre côté, il s’agit de nouvelles technologies, et les réseaux se répandent à une vitesse vertigineuse (internet), ce qui a totalement transformé notre manière de travailler. Et qui amène des gains, mais aussi des pertes. Pertes qui mènent, elles, à de grandes réorganisations : fusions, faillites ou économies. Ce phénomène transforme évidemment complètement le rapport traditionnel entre employeurs et employés. Il n’était pas rare, dans le temps, de voir des gens travailler trente ans et plus (des soutiens de famille) pour un même patron. Alors qu’aujourd’hui, tout le monde a au moins lu dans l’un ou l’autre journal l’histoire d’une entreprise qui se réorganise, et, du jour au lendemain, met à la porte des gens qui travaillaient en son sein depuis des années.

Carrières de femmes

Que dire à nos enfants ?

Le journaliste Thomas Friedman a publié récemment un livre qui s’intitule ’la terre est plate(1)" et parle de ceux qui seront, ou ne seront pas, touchés par la globalisation. D’après lui, il y a un seul bon conseil : il faut veiller en permanence à compléter ses connaissances. Dans un monde ’plat’, il y aura toujours assez d’emploi pour ceux qui ont des compétences et des idées. Que doit-on alors dire à nos enfants ? Ne restez pas découragés, mais améliorer vos compétences et « investissez dans les formations par lesquelles vous et votre pays pourrez réclamer une partie du gâteau, qui devient de plus en plus gros et complexe ».
(1)le livre n’est pas encore disponible en Français

Les conséquences de tous ces changements sur les carrières des femmes sont également analysées dans ’ Globalization, Uncertainty and Women’s Careers’. Des études féministes récentes mettent en lumière le lien entre l’organisation sociale du travail et les inégalités de genre. Lorsque les femmes sont arrivées sur le marché du travail dans les années ’70 et ’80, ce marché était largement orienté vers des travailleurs soutiens de famille. En d’autres termes, des hommes travaillant à temps plein (essentiellement), dont le salaire servait à la survie de toute une famille : hypothèque ou location, voiture, études des enfants, frais quotidiens, tout était financé sur un seul salaire. Les régimes alternatifs du type temps partiel n’existaient quasi pas, et les femmes qui travaillaient s’adaptaient à ce modèle.

Pour le reste, l’enquête Globalife fait également une différence entre d’une part les femmes d’Europe de l’Est et du Sud, et des Etats-Unis, et d’autre part les femmes de Scandinavie et de la plupart des pays du Nord de l’Europe. Dans le Nord de l’Europe, le marché du travail s’est transformé avec l’arrivée des femmes : le travail à temps partiel est devenu courant, et, les années passant, de plus en plus de réglementations ont été mises en place, comme le congé parental prolongé pour les mères et les pères ayant un travail. Par contre, dans les autres pays, les choses ne se sont pas passées de la même manière, parce qu’une famille avait bien souvent besoin de deux salaires à temps plein pour joindre les deux bouts. La conséquence est que, dans ces pays, où le revenu de la femme est complémentaire, l’exigence grandissante de flexibilité n’est pas un gros problème. Aux Etats-Unis, par exemple, proposer plus de flexibilité aux hommes et aux femmes sous la forme de congés parentaux, congés sabbatiques, etc, tombe très bien, à un moment où les gens sont à la recherche de plus de flexibilité afin de mieux combiner travail et famille, alors que partout dans le monde, c’est une tout autre forme de flexibilité qui est créée et attendue. Le livre décrit ainsi les effets de la globalisation et les transformations technologiques qu’elle entraîne, peu de temps après que les femmes se soient lancées, à grande échelle, sur le marché du travail.

Filtres sociétaux

Le livre montre également qu’il y a de grandes différences dans l’importance de la menace qui pèse sur la position des femmes. Ces différences sont principalement expliquées par ce que les enquêteurs appellent des ’filtres sociétaux’. Les schémas d’attentes culturels renforcent ou adoucissent les effets de la globalisation. Dans cette optique, on pense aux idées dominantes concernant les choix d’études et d’emplois des ’vraies femmes’, mais également à la manière dont ces idées sont institutionnalisées, par exemple dans la réglementation des pensions ou de l’inaptitude au travail. Ces filtres et leur résistance sont très importants, car ils expliquent les grandes différences entre les pays. Par exemple, une bonne formation est, au niveau individuel, généralement une protection efficace contre le chômage, mais après la chute du mur, en Allemagne, beaucoup plus de femmes que d’hommes se sont retrouvées sans emploi en Europe de l’Est. En général, on peut dire que la globalisation permet aux personnes qui doivent s’occuper de la famille (souvent les femmes) d’obtenir juste assez de flexibilité pour pouvoir combiner travail et charges domestiques. D’un autre côté, on peut se demander pourquoi ce sont principalement les femmes qui font appel à cette flexibilité. Parce que dans la plupart des sociétés, il y a toujours un manque en terme d’accueil des enfants, et d’ aide institutionnalisée pour les personnes plus âgées et les malades. La société pourrait donc atténuer les effets de la globalisation en assurant l’existence de ce type d’infrastructure de soins.

Les effets de la globalisation et la flexibilité demandée pèsent essentiellement sur la jeunesse. De ce côté, l’enquête montre très peu de différences entre hommes et femmes. Cela se remarque dans le report de projets à long terme, comme le mariage et les enfants (le genre de chose que nous connaissons tous !) Les plus jeunes ne peuvent simplement pas se permettre d’acheter une maison et fonder une famille, et réagissent de manière très rationnelle, et étudiant plus, et en acceptant plus de flexibilité dans la recherche d’un emploi. Au Mexique, par exemple, où la création d’une famille est toujours considérée comme quelque chose d’essentiel, les partenaires prennent plusieurs emplois pour répartir les risques, et être capables d’entretenir une famille.

Comme on peut s’en rendre compte à la lecture des exemples, l’enquête s’est essentiellement concentrée sur la vie des occidentaux (officiellement : des habitants des pays de l’OCDE*) et pas tellement sur les conséquences que la globalisation peut avoir sur la couturière thaïlandaise qui aurait préféré être avocate. Et c’est un inconvénient, car la compréhension de la globalisation et ses effets sur la vie des femmes fonctionne mieux quand on observe toutes les facettes de la planète. Par contre, parmi les points forts de l’enquête, on peut citer la comparaison des carrières entre les femmes des différents pays. On compare trop souvent les hommes et les femmes, et cette enquête montre qu’il y a également d’énormes différences entre les femmes elles-mêmes, d’un pays à l’autre.

Marlies Klooster

Mars 2006

  • Dans le cadre du Globalife project, c’est la définition suivante de la globalisation qui a été utilisée : la globalisation c’est l’internationalisation des marchés, une concurrence accrue, une diffusion plus rapide des réseaux et des connaissances par les nouvelles technologies, et l’importance grandissante des marchés ainsi que leur aspect hasardeux.
  • Vous pouvez trouver un aperçu de tous les documents de travail, du rapport final et des éditions du livre sur http://web.uni-bamberg.de/sowi/soziologie-i/globalife/
  • Globalization, Uncertainty and Women’s Careers : An International Comparison. 2006. H.-P. Blossfeld, H. Hofmeister, eds. Edward Elgar, London, UK.
  • http://www.oecd.org

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