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Confiance, estime, perception d’efficacité… et IT
En moyenne, les femmes ont moins confiance en elles que les hommes, elles se doivent d’être plus modestes et leur perception d’efficacité personnelle se construit plus difficilement… Ces traits interagissent avec les caractéristiques du secteur informatique : un secteur où les compétences, mal définies, évoluent vite et où les rémunérations se font sur base de négociations individuelles… Ada vous propose quelques éléments pour mieux comprendre les freins que rencontrent les femmes dans les études et les métiers informatiques… et ce qui peut les aider !
La perception d’efficacité personnelle
La notion d’efficacité personnelle renvoie à la croyance qu’à
une personne en sa capacité à réussir un certain type de
tâche (1). Ainsi, le sentiment d’efficacité
personnelle peut être différent selon les domaines : on peut par
exemple se croire capable de jouer un morceau de musique à la guitare,
mais être convaincu que l’on n’est pas capable d’installer un logiciel.
La perception d’efficacité personnelle est une croyance qu’ont les gens
en leurs capacités et non pas une mesure de leur performance réelle
en la matière : Certaines personnes peuvent s’estimer mauvaises dans
une discipline alors qu’elles maîtrisent, ou inversement.
La perception d’efficacité personnelle a un effet notamment sur la persévérance
dans une tâche, sur la motivation pour celle-ci et sur le choix d’études
que sur la performance en tant que telle. Il semble donc très important
" d’y croire " !
On note que dans les domaines scientifiques et technologiques, les filles ont
des niveaux d’efficacité personnelle inférieurs aux garçons,
et ce, en dépit de résultats scolaires parfois supérieurs.
Alors que les garçons s’engouffrent sans tiquer dans des programmes scientifiques,
les filles se pensent incapables de réussir dans ces environnements et
les évitent.
Quels sont les moteurs du sentiment d’efficacité personnelle ?
Selon la théorie de Bandura, la perception d’efficacité personnelle
dépend de quatre facteurs :
- Le premier, et le plus important, est l’existence de réussites similaires
dans le passé. Quand on a l’habitude de réussir quelque chose,
on se pense capable de le réussir encore.
- Le deuxième provient des expériences " vicariantes ",
c’est à dire des occasions où la personne a observé des
" autres similaires " réalisant la même activité
avec succès. Si on voit d’autres femmes réussir dans des tâches
ou des apprentissages techniques, on pense que nous aussi nous pourrons réussir.
- La troisième source d’efficacité personnelle sont les renforcements
verbaux, les compliments, le support, les encouragements.
- Enfin, la dernière source est l’état émotionnel dans
lequel les gens se trouvent en effectuant tel ou tel comportement. Ainsi,
l’anxiété diminue le sentiment d’efficacité.
Une étude réalisée chez des femmes travaillant dans le
monde scientifique (Zeldin & Pajares, 2000) indique que les renforcements
verbaux, émanant de proches : parents, amis, professeurs, semblent déterminants
dans ce type de population, bien plus que les résultats scolaires en
eux-même, parce que les filles sont socialisées à être
des personnes à l’écoute de l’avis d’autrui. Il est donc possible
que cet aspect soit plus important pour les femmes que pour les hommes.
Des études sur les sources de l’estime de soi indiquent d’ailleurs
aussi que l’estime des femmes est basée beaucoup plus sur l’appréciation
des autres que sur leurs propres sentiments. Aider les femmes à s’épanouir
dans une fonction, à prendre confiance en leurs compétences et
capacités, passe donc probablement par une verbalisation de la satisfaction
par les collègues ou le supérieur hiérarchique.
L’estime de soi qui manque aux filles…
En plus de l’efficacité, le concept d’estime de soi désigne l’appréciation
générale qu’on a de soi-même. Là encore, les filles
ont un désavantage général, désavantage que l’on
relie à diverses causes, notamment la socialisation et le fait qu’on
insiste énormément sur des canons physiques irréalistes
pour les filles.
Dès leur enfance, les filles sont victimes du stéréotype
de l’enfant sage. Submergés par des classes de plus en plus indisciplinées,
les enseignants ont l’espoir que les filles, au moins, vont les laisser tranquilles.
Les filles sont donc, curieusement, réprimées lorsqu’elles sont
trop remuantes, alors qu’on considère normal que les petits garçons
dépensent leur énergie d’une manière ou d’une autre, et
ceci dès les premières années de scolarité. Même
les vêtements dont on affuble les enfants mènent à ce déséquilibre.
Alors qu’il est inconvenant de grimper aux arbres en jupette, le pantalon semble
fait pour ça. Résultat des courses, peu à peu, les garçons
deviennent audacieux et entreprenants, tandis que les filles perdent toute assurance,
dans la crainte qu’on les gourmande au moindre écart.
L’estime de soi des filles est, comme leur efficacité personnelle, basée
en grande partie sur l’avis des autres. Alors que les garçons ont une
conception d’eux-mêmes assez privée, et donc imperméable
à la critique, les filles ont besoin de renforcements constants. Comme
tout le monde ne peut pas être tout le temps positif, l’estime de soi
des filles est plus fragile et moins stable. Un examen raté, une remarque,
et toute la confiance en soi de la demoiselle peut être ébranlée,
alors qu’un garçon continuera à se sentir sûr de lui en
dépit d’échecs répétés.
Qui dit peu d’estime de soi, dit peu d’ambition. Or les carrières traditionnellement
masculines, et singulièrement l’informatique, sont souvent plus perçues
comme plus difficiles, parce que plus prestigieuses… Cela fait partie des
autres raisons qui font que les femmes peuvent avoir du mal à s’orienter
vers l’informatique.
Les affres de la modestie... Dans un environnement où il faut savoir
se vendre
Nous l’avons mentionné déjà, les filles et les garçons
sont encore souvent éduqués inconsciemment en fonction des stéréotypes
de genre. Ces stéréotypes sont prescriptifs, dans le sens où
ils sont attendus de la part des personnes de tel ou tel sexe. On voudrait bien
que les garçons soient forts et audacieux, que les filles soient raffinées
et douces. Ces désirs sexués sont projetés et reproduits
par les enfants, car ils sont renforcés, récompensés, quand
ils agissent comme prévu/espéré ; tandis qu’ils sont punis
lorsqu’ils agissent à l’inverse.
Parmi ces stéréotypes qui s’inscrivent dans le comportement, l’idée
qu’une femme se doit d’être modeste joue de vilains tours aux adolescentes.
En effet, une partie de la pauvre confiance en soi des filles peut être
due au fait que les filles revendiquent moins leurs compétences. Dans
une situation d’orientation, la personne qui dirige la fille vers une carrière
doit absolument être capable de faire la différence entre les réelles
compétences de l’adolescente et ce qu’elle raconte pour se faire bien
voir. Les garçons hésiteront moins à vanter leurs mérites,
car le fait d’avoir confiance en soi et d’être assertif fait partie des
choses que l’on attend d’un garçon.
Des études ont mis ces comportements de modestie en évidence
en demandant à des garçons et des filles d’évaluer leur
performance soit publiquement, soit de manière anonyme. Si les garçons
avaient tendance à toujours rapporter les mêmes estimations, les
filles étaient nettement plus modestes lorsqu’elles pensaient que leurs
scores seraient connus d’autrui.
Une autre étude souligne que les femmes pensent que l’immodestie est
à la fois néfaste pour elles-mêmes (on les apprécie
moins) mais aussi coûteux pour les autres (qui se sentent mal) (Daubman & Sigall,
1997).
Enfin, dans le cadre précis des négociations salariales, Wade
(2001) indique que les femmes font d’excellents avocats des qualités
d’autrui, mais pas des leurs. A nouveau, ce sont les représentations
qui sont pointées du doigt : les femmes assertives sont mal perçues
par les hommes. Une femme professionnelle doit donc jongler entre deux types
de comportements : ceux qui prouvent qu’elle est compétente et ceux qui
prouvent qu’elle est sociable, sympathique et... modeste. Ce problème
ne se pose pas pour les hommes !
Cette tendance à ne pas se mettre en avant, qui serait désirable
pour rester " féminine ", joue des tours aux femmes lors des
entretiens d’embauche ou des négociations salariales, et c’est particulièrement
le cas dans l’informatique, ou les négociations de salaires se font de
manière individuelle, on chacun doit " se vendre ", et ou les
possibilités de s’évaluer de manière objective ne sont
pas toujours possibles.
Les deux versants, estime de soi et présentation de soi, sont présents
à des degrés divers chez les femmes. Mais la disparité
de salaire qu’on observe dans les hautes sphères est sans doute davantage
liée à la présentation de soi, dans le sens où une
femme haut placée à sans doute des croyances relativement élevées
en ses capacités.
Les conséquences dans l’informatique
L’impact de ces éléments sur la carrière des femmes dans
l’informatique est sans doute importante.
Le secteur se prête en effet particulièrement bien à leur
influence négative :
- C’est un secteur scientifique, elles sont dans une situation où la
perception de leur efficacité personnelle est moins bonne.
- Les compétences informatiques sont mal définies, en perpétuelles
mutations, les évaluations par autrui et par soit même sont donc
difficiles à objectiver.
- Les employeurs ont tendance à négocier les salaires de manière
individuelle : la capacité à vanter ses qualités, et
à se présenter de manière " immodeste " joue
donc un rôle important.
- Les employeurs, ou les personnes qui font les interviews d’embauche ne sont
pas toujours les plus qualifiées pour évaluer les compétences,
particulièrement dans les entreprises non-informatique. (2).
- Les connaissances informatiques sont infinies, et se renouvellent fréquemment
: on ne saura jamais tout sur une matière, et cela donne certainement
aux femmes de quoi cultiver leur modestie !
Mais il ne faut pas croire que cette influence est inéluctable, et
en particulier, il ne faut pas négliger l’importance que peu jouer l’entourage
par le soutien pour aider les femmes à dépasser ces difficultés.
Eléonore Seron
Décembre 2005
(1)Bandura, A. (1997). Self-Efficacy : the exercise of control. New York : WH Freeman.
(2)Une enquête
sur les anciennes stagiaires d’interface3 avait en effet montré
que lors du recrutement, la personne qui rencontrait la candidate était
une fois sur deux quelqu’un issus de la GRH, et donc à priori non
compétente en informatique. Quand c’est le cas, la capacité
à affirmer que l’on sait, pour convaincre son interlocuteur, est
particulièrement importante puisqu’il dispose de peu de compétences
pour objectiver les compétences du candidat.
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Sources
* Bandura, A. (1997). Self-Efficacy : the exercise of control. New York : WH Freeman.
* Daubman, K. A. & Sigall, H. (1997). Gender differences in perceptions of how others are affected by self-disclosre of achievement. Sex Roles, 37, 73-89.
* Giacalone, R. A., & Riordan, C. A. (198 ?). Effect of self-presentation on perceptions and recognition in an organization. Journal of Psychology, 124, 25-38.
* Heatherington, L. (1993). Two investigations of “female modesty” in achievement situations. Sex Roles.
* Phillips, S. D., & Imhoff, A. R. (1997). Women and career development : A decade of research. Annual Review of Psychology, 48, 31-59.
* Wade, M. E. (2001). Women and salary negotiation : The costs of self-advocacy. Psychology of Women Quarterly, 25, 65-76.
*Wozinska, W., Dabul, A. J., Whetstone-Dion, R., & Cialdini, R. B. (1996). Self-Presentational responses to success in the organization : The costs and benefits of modesty. Basic and Applied Social Psychology, 18, 229-242.
*Zeldin, A. L., & Pajares, F. (2000). Against the odds : Self-efficacy beliefs of women in mathematical, scientific, and technological careers. American Educational Research Journal, 37, 215-246.
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