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Promouvoir l’égalité des genres via les TIC

Les femmes et l’informatique en Europe centrale et orientale

En Europe orientale, avant les changements de régime, les femmes ingénieurs étaient plus nombreuses qu’en Europe occidentale. Pourtant, dans ces pays également, subsistaient de nombreux modèles traditionnels de distribution des rôles. Une réalité qui fut encore plus patente après la chute du mur, lorsque le chômage frappa davantage les femmes que les hommes. Les organisations actives sur les questions de genre voient dans les TIC un moyen de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes.

Dans la plupart des pays d’Europe centrale et orientale, de la Slovénie au Turkménistan - les femmes travaillent depuis des générations hors de la maison. A l’époque du communisme, les hommes et les femmes étaient à la base considérés comme égaux. La situation était très différente par rapport à l’Europe occidentale où les femmes devaient sortir dans la rue pour revendiquer le droit de vote et une égalité des salaires. Un inconvénient de la situation en Europe orientale était que les hommes et les femmes, s’ils avaient les mêmes droits, n’avaient pas automatiquement les mêmes devoirs. Ainsi, le soin des enfants et des parents reposait souvent sur les épaules des femmes qui, par ailleurs, travaillaient à plein temps.

Miser sur la technique ?

Après la chute du mur, beaucoup de choses ont changé, également au niveau du choix du métier et des opportunités pour les femmes dans les TIC. Dans une interview publiée sur le site web www.socialrights.org (1), Lenka Simerska, collaboratrice au Prague Gender Centrum, évoque les changements en Bulgarie : « La Bulgarie était le producteur et principal fournisseur d’équipements de communication électroniques pour le bloc soviétique. Cette production allait de pair avec la création d’instituts de recherche et de programmes spécialisés dans les universités, qui fournissaient du personnel qualifié et des technologies au secteur informatique ». Elle explique qu’après la chute du mur, la Bulgarie a dû fermer un grand nombre de ces usines, entraînant le chômage des employés techniques diplômés. C’est ainsi que la formation technique a perdu de son attractivité.

Simerska : « Le nombre de filles qui optent pour des études liées aux TIC n’est pas supérieur aujourd’hui au taux d’il y a 25 ans. Pire encore, ce nombre a diminué et ce, bien que les facultés réservent 40% des places aux filles qui remplissent les exigences d’autorisation. Toutefois, souligne Simerska, ce n’est pas sans raison que les filles s’intéressent peu à l’enseignement technique. Le principal motif repose sur une différence dans le mode d’éducation. On décourage les filles d’opter pour des branches techniques (...). » A cet égard, la situation est assez similaire à celle de la Belgique et des pays avoisinants. Elle ajoute : « Il est assez difficile de modifier la distribution des rôles dans un contexte de chômage élevé et de déclin économique ».

Utilisation d’Internet

Par ailleurs, l’utilisation d’Internet n’est pas encore aussi générale qu’en Europe occidentale - même si les différences au sein de l’Europe centrale et orientale sont elles-mêmes très marquées. Dans des pays tels que l’Albanie (0,3%), l’Ukraine (1,3%), la Bosnie (2,4%), la Macédoine (3,3%) et la Russie (4,2%), l’utilisation d’Internet est inférieure à 5%. Mais l’Estonie et la Slovénie connaissent une pénétration de l’Internet semblable au niveau européen, avec, respectivement, 44,2% et 41%. D’après un rapport paru récemment et intitulé « Bridging the Gender Digital Divide : A report on Gender and ICT in Central and Eastern Europe and the Commonwealth of Independent States », il existe une nette différence dans la connaissance et l’utilisation des TIC entre les jeunes filles et les femmes.

Entre la fin des années 80 et le début des années 90, lors de la hausse du chômage, de nombreuses femmes cherchant un emploi trouvaient porte close parce que la priorité était donnée aux hommes. A la même période, de nombreux processus ont été digitalisés dans l’industrie et la société en général, ce qui amplifia le retard d’un grand groupe de femmes - entre-temps plus âgées - en termes de connaissances des TIC. Il ressort d’une enquête effectuée en Tchéquie que parmi les jeunes générations (étudiants de plus de 15 ans), il n’existe quasi aucune différence entre les hommes et les femmes au niveau de l’utilisation de l’Internet.

Le genre : une question de conscience

Les organisations de lutte pour l’égalité des genres avancent que les TIC, et plus particulièrement les NTIC, constituent un moyen de promotion de l’égalité des genres. La société de l’information qui devrait connaître, grâce notamment au soutien de l’Union européenne, une croissance importante, offre de belles opportunités de carrière pour tous, indépendamment du genre, de la couleur ou de la religion. C’est pourquoi les défenseurs de l’égalité des genres posent toujours la même question : les nouvelles technologies contribuent-elles à l’égalité entre les hommes et les femmes et à l’autonomisation (« empowerment ») des femmes, et si oui, comment ?

D’après le rapport précité sur le genre et les TIC en Europe centrale et orientale, l’intégration du genre dans les initiatives TIC est encore très réduite dans ces pays. Nombre d’entre eux ont conservé un bon réseau de télécommunications de l’époque où la conjoncture économique était meilleure, de sorte que quelques pays ont réussi à attirer des industries TIC aux capitaux étrangers ou non. Par contre, il manque une réflexion plus approfondie sur les impacts de la politique sur les questions de genre.

Les statistiques sur l’utilisation de l’informatique, par exemple, distinguent rarement les hommes et les femmes. Un grand nombre d’organisations consacrées aux problématiques du genre travaillent donc activement aujourd’hui à développer une conscience au niveau du genre. Ainsi, l’International Telecommunication Union (ITU) - une organisation qui coordonne notamment des réseaux mondiaux de télécommunication - dispose-t-elle d’un groupe de travail « Working Group on Gender Issues » (WGGI). Ce groupe de travail distribue chaque année un questionnaire sur la politique d’égalité des chances aux membres ITU. Une initiative qui semble faire de l’effet, puisqu’en 2002, la moitié des membres qui avaient rempli le questionnaire - dont l’Arménie, la Pologne, la Lituanie, la Croatie et la Moldavie, ont sollicité de l’aide dans la mise en place d’une politique semblable.

Ce même rapport propose par ailleurs une liste des bons usages dans la promotion de l’égalité des genres à travers les TIC. Un bon exemple provient des clubs informatiques en Roumanie, qui sont fréquentés à 60% par des filles. Un chiffre qui s’explique par le fait qu’un de ces clubs est établi dans une école pour filles. En Ukraine, la traite des femmes est combattue dans le cadre du projet « Winrock Women’s Economic Empowerment project », qui offre aux femmes une initiation au travail, des formations techniques et une aide de prévention de crise. L’e-mail et l’Internet permettent d’entrer en contact avec les (autres) victimes ainsi que les instances juridiques et les organisations de lutte contre la traite des femmes.

Les expats experts

Enfin, nombre de pays d’Europe centrale et orientale sont confrontés, suite à leur récent passé de guerre ou au niveau médiocre des salaires, à une « fuite des cerveaux » parmi les experts en TIC vers les États-Unis ou les pays d’Europe occidentale. C’est pourquoi le rapport loue l’initiative « Transfer of Knowledge Through Expatriate Nationals » (TOKTEN) en Bosnie-Herzégovine, qui, (comme le projet « African Digital Diaspora Project », qui existe depuis plusieurs années) favorise la collaboration entre des experts à l’étranger et les résidents.

Marlies Klooster
Octobre 2004

Sources
De nombreuses informations reprises dans cet article proviennent du rapport Bridging the Gender Digital Divide (pdf). Il comporte des liens vers les centres spécialisés dans les questions de genre dans les pays d’Europe centrale et orientale tels que la Bulgaria Gender Research Foundation.

(1) How to check effectiveness of ICTs for women ? An interview with Lenka Simerska from Prague Gender Center, février 2004.

Pour en savoir plus :
Est paru récemment un ouvrage intitulé Women & Internet : Croatian Perspective, rédigé par Kristina Mihalec et Nevenka Sudar, 2004 (ISBN 953-6967-08-1).

Quelques programmes régionnaux de formation intéressants

The Roma Information Project (RIP) (1) Ce programme destiné et construit avec des Roms de plusieurs pays des balkans, bien que mixte, est en majorité conduit par des femmes. L’idée est de former six « e-riders » (2), qui, implantés dans les réseaux roms, seront à même de former, à leur tour, les ressortissants de la communauté.
Ce projet n’est pas seulement un programme de formation informatique mais aussi un programme d’apprentissage du management et du consulting. Surtout destiné à des jeunes, il tend à modeler non seulement leur rapport à la technique mais aussi leur façon de penser le travail, le vocabulaire managérial anglo-saxon entraînant des pratiques bien définies et influençant par extension leur approche politique. Personnes ressources au sein de leur communauté, les e-riders une fois formés (principalement aux outils du monde windows) s’occupent de formations mais aussi de support pc ou de conseil en développement informatique. Bien qu’international, ce programme prend une dimension particulière car certains de ses membres relèvent de véritables défis, comme celui d’être une femme, jeune, enseignant à des hommes dans une société profondément marquée par le machisme, ou il n’est pas habituel qu’une femmes donne des cours à des hommes.

Le Women’s information technology transfert (3) est une initiative pan-europeenne soutenue par le réseau ENAWA qui vise à former des femmes aux nouvelles technologies et aux logiciels open source, mais inclut aussi comme objectif de mettre à disposition, en ligne, sous licence libre, des manuels de formation et des compte-rendus d’expériences concrètes.
Ce réseau s’est formé dans la continuité d’autres programmes initiés par des associations de l’Ouest européen, comme les Pénélopes (4), avec comme but avoué de recentrer les formations proposées sur les besoins et l’autonomie des groupes locaux. Mais les membres de Witt sont aussi à l’origine d’expériences et d’initiatives dynamiques et plus politiques questionnant en filigrane les rapports parfois impérialistes entre l’ouest et l’est.

Cet été, l’association Zene na delu a organisé à Belgrade la session 2004 du festival itinérant Etlectic Tech Carnival (Etc) initié et animé par la Gender Changer Academy (5), proposant une semaine d’ateliers tout azymuts autour des technologies libres et expérimentant en action les difficultés d’ajustement entre le réalisme professionnel local et une approche plus ludique de l’informatique venue de Hollande.

Enfin, l’association Internet rights Bulgaria Foundation , également membre de Witt, a organisé plusieurs journées d’ateliers où différents aspects de l’utilisation de Linux et de la sécurité ont été abordés avec un groupe de femmes bien plus agées que lors de l’etc, différence d’âge due selon Christina Haralanova (6) « au boom de femmes formées à la technique pendant la période communiste ».

(1) Roma Information Project
(2) Les e-riders est un programme international proposé par advocacy project, une ONG de Washingtion.
(3) Women’s information technology transfert
(4) Penelopes
(5) Genderchangers est l’association non mixte hollandaise, spécialisée dans les ateliers hardware qu’on a pu voir à l’œuvre plusieurs fois dans le cadre des Digitales
(6) Linux Magazine n°47, Linux New Media Ag, octobre 2004.


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