![]() |
![]() |
|
![]() |
||||||||||||
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
||||||||||
![]() |
|
Conditions de travail Une motivation évasive La motivation est souvent au cœur des discours et semble le moteur miracle de bien des réalisations. On trouve les jeunes « peu motivés » pour se former, on voudrait que les employés d’une entreprise soient « plus motivés » à travailler, les professeurs se plaignent du « manque de motivation » de leurs élèves et les recruteurs cherchent les candidats « motivés »... Mais qu’est-ce qui se cache derrière ce terme tout puissant ? La « motivation » existe-t-elle ? Si oui, comment peut-on la susciter ? La motivation renvoie aux causes de nos comportements : pourquoi agissons-nous, quels buts poursuivons-nous ? Si une partie de nos actions renvoie directement à des besoins fondamentaux, comme se nourrir ou dormir, d’autres posent davantage de questions. Au fil des années, les chercheurs ont ainsi relevé l’existence d’autres motivations, comme la motivation à s’affilier, à avoir une estime de soi positive, à se réaliser. Tous ces « motifs », ces objectifs, entrent en jeu lorsqu’il s’agit de déterminer la motivation d’un individu pour un comportement donné. En bref, la motivation, c’est presque la psychologie toute entière : pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ? A question complexe, théories multiplesDe multiples théories existent pour expliquer la motivation, depuis des conceptualisations très biologiques jusqu’à de complexes explications psychologiques, et les passer toutes en revue dépasse le propos de cet article. Nous nous attarderons néanmoins sur l’une ou l’autre. La théorie de Maslow (1954) renvoie à une pyramide des besoins et défend l’idée que les individus ne poursuivent une motivation supérieure que lorsqu’ils ont satisfait le besoin précédent. A la base de cette pyramide, on retrouve les besoins de survie et de sécurité, les besoins les plus hauts étant ceux de réalisation personnelle et d’esthétique. Au milieu de la pyramide trône l’estime de soi. Selon Maslow, des différences de personnalité entre individus expliquent pourquoi certains poursuivent des buts hauts placés et les atteignent, tandis que d’autres se contentent d’assouvir des besoins intermédiaires. Cette théorie ne fait bien évidemment pas l’unanimité, et on a notamment critiqué la nécessité de remplir un niveau de besoin avant de passer à l’étage supérieur : ainsi des artistes passionnés négligent leurs besoins physiologiques pour satisfaire à plein temps leur besoin d’esthétique. De nombreux auteurs se sont intéressés à la question de « la motivation à réussir », cruciale dans l’apprentissage ou le travail. Tout le monde a-t-il ce même besoin de réussir ? Si non, pourquoi certains sont-ils plus poussés que d’autres ? Est-ce dû à des facteurs internes ou externes ? Selon McLelland (1961), la motivation à réussir dépend de facteurs de personnalité et de facteurs environnementaux, notamment la culture dominante. Il dégage deux types de motivation : celle à réussir, et celle à ne pas échouer, qui vont exactement dans le sens inverse : tandis que les gens motivés à réussir cherchent à se surpasser et relèvent des défis, les gens motivés à ne pas échouer évitent de prendre des risques pour rester en terrain connu... Même parmi les personnes motivées à réussir, on peut trouver différents types de motivation : certains se sont fixés des objectifs personnels, privés, tandis que d’autres recherchent le succès, une reconnaissance, ou la victoire sur autrui. L’importance de ces « récompenses » pour susciter la motivation est un sujet d’importance dans la sphère du travail. La théorie des attentes (expectancy theory), développée notamment par Vroom (1964), prétend que la motivation dépend des résultats escomptés. D’autres auteurs mettent l’accent davantage sur les conditions de travail, des notions comme l’équité ou le respect, pour expliquer la motivation des travailleurs. Actuellement, les auteurs s’accordent pour dire que la motivation dépend d’une constellation de facteurs, internes et externes, qui tiennent à la fois de la personnalité de l’individu (ses « traits »), de ses besoins, de ses valeurs (liées notamment à sa culture) et de l’environnement. Malheureusement, ces différences entre individus font qu’il n’existe pas de recettes miracles, de méthodes, conditions de travail ou attitudes qui garantiraient une motivation uniforme. Ce qui motive les uns peut en effet démotiver les autres... Mais la motivation peut être influencée, transformée, notamment via les conditions dans lesquelles s’effectuent l’apprentissage ou le travail. Par exemple, comme mentionné ailleurs, le sentiment d’efficacité personnelle joue sur la motivation. Comme nous allons le voir dans les paragraphes suivant, l’école peut notamment intervenir pour renforcer certaines tendances chez les individus. Intrinsèque versus extrinsèqueDe nombreux travaux s’intéressent aux moyens de renforcer la « motivation à apprendre » chez les étudiants, qu’ils soient enfants, adolescents ou adultes. Là encore, les méthodes proposées visent à influencer le type de motivation présent chez les élèves mais aussi à s’adapter aux tendances de chacun. Notamment, on distingue la motivation intrinsèque [1], due à une satisfaction inhérente à la tâche réalisée, d’une motivation extrinsèque, renvoyant aux récompenses offertes par l’action. En gros, c’est la différence entre les élèves qui étudient parce qu’ils y prennent du plaisir et ceux qui étudient « pour avoir leurs points » (on retrouvera cette opposition dans le monde du travail). Bien sûr, les apprenants ne poursuivent pas toujours des objectifs purement d’un type ou de l’autre, et le résultat obtenu par les uns et par les autres est souvent identique : tout le monde réussit, pour des raisons différentes. Cependant, les auteurs s’accordent pour penser que la motivation intrinsèque a des avantages criants par rapport à la motivation extrinsèque, notamment parce qu’elle se maintient en l’absence de contrôle, qu’elle pousse à l’effort, qu’elle permet des réponses plus adaptées en situation de stress. La motivation intrinsèque est également liée à la perception de compétence, dans un rapport circulaire, l’une renforçant l’autre. Des chercheurs en éducation ont étudié les conditions d’apprentissage qui favorisaient le développement d’une motivation intrinsèque chez les jeunes. De manière générale, on s’accorde à dire que les professeurs qui favorisent l’autonomie, la collaboration et exercent un contrôle modéré contribuent à développer la motivation intrinsèque. Maîtrise versus performanceLa motivation à réussir peut se décliner en différents buts sous-jacents, notamment celui d’acquérir une compétence (maîtrise) ou de démontrer qu’on possède une compétence (performance). En général, la motivation à la maîtrise est considérée comme plus positive que la motivation à se distinguer : elle favorise l’entraide, minimise l’anxiété, renforce l’intérêt, la perception de compétence et les perceptions d’utilité de la matière enseignée. Si chaque étudiant arrive avec un but sous-jacent, l’environnement scolaire peut aussi favoriser, dans son organisation, une motivation plutôt qu’une autre. Là encore, les facteurs qui soutiennent la motivation intrinsèque contribuent aussi à la motivation de maîtrise [2] : autonomie, tâches variées et pertinentes, travaux de groupe, flexibilité temporelle, reconnaissance des progrès et des apprentissages, évaluations basées sur des critères prédéfinis sont autant de facteurs qui y contribuent. Néanmoins, de manière générale, les étudiants dans des contextes de motivation à la performance... ont de meilleures performances ! Actuellement, on considère que des cadres d’apprentissage mixtes, qui reprennent à la fois la motivation à la maîtrise et la motivation à la performance sont probablement les plus efficaces pour une expérience d’apprentissage positive, qui maximise à la fois l’apprentissage, la motivation, les résultats et les affects positifs. Par contre, la présence d’une orientation à la performance chez un élève est toujours synonyme de moins bonne adaptation scolaire. Sur le lieu de travailLes questions abordées en classe se retrouvent sur le lieu de travail. Là aussi, motivation intrinsèque et extrinsèque [3] sont à l’œuvre, et de nombreuses études se penchent sur le rôle des conditions de travail dans la genèse de la motivation. Un des aspects soulignés est l’importance de l’autonomie au travail, laquelle joue positivement sur la motivation et par là, sur la performance. L’autonomie dépend de plusieurs facteurs, mais notamment de la possibilité qu’a le travailleur d’organiser son travail, de déterminer comment le faire et de gérer son timing. Le superviseur de son côté peut intervenir sur cette autonomie via le degré de contrôle qu’il exerce sur le travail, le côté réaliste des objectifs fixés, les moyens adéquats mis à disposition du travailleur, et les feedbacks qu’il lui adresse. De la même manière, des caractéristiques comme la diversité du travail, la possibilité de suivre tout le processus d’un travail du début à la fin [4], le support social, l’adéquation entre ses compétences et le travail demandé, la possibilité de participer aux processus de décision, sont autant de facteurs qui augmentent la motivation. Du plaisir !Actuellement, on lie beaucoup motivation et émotions, et de nombreux chercheurs s’intéressent à l’impact de l’affect sur la motivation. Les gens joyeux sont-ils concentrés sur ce qu’ils font ? Ne tendent-ils pas à ne faire que ce qui leur plait, au détriment de certaines tâches urgentes mais ennuyeuses ? Peut-on être sérieux et guilleret ? Seo, Feldman Barrett et Bartunek (2004) s’intéressent à la manière dont « le noyau de l’affect » interagit avec la motivation. Selon eux, le noyau d’un affect se décrit sur deux axes : l’activation et la valence. Ainsi, l’ennui est peu actif et négatif, tandis que l’excitation est active et positive. La nervosité est active et négative, tandis que la sérénité est positive mais non active. L’affect influencerait directement la motivation à plusieurs niveaux : un affect positif engagerait les personnes dans l’action à long terme (parce qu’elles sont optimistes quant à sa réussite et prennent du plaisir à l’effectuer, notamment) tandis que l’activation serait en relation directe avec l’effort consenti. De leur côté, Isen et Reeve (2005) se penchent sur le rôle des affects sur les aspects intrinsèques et extrinsèques de la motivation. Dans leur étude, ces auteurs proposent à leurs participants de réaliser deux tâches, une qui est plaisante (et fait appel à la motivation intrinsèque) et une ennuyeuse mais nécessaire (et fait appel à la motivation extrinsèque). Ils constatent que les tâches sont effectuées avec le plus de motivation lorsque les affects sont positifs : en effet, les gens de bonne humeur semblent à la fois désireux de maintenir leur humeur (et donc de réaliser la tâche agréable) mais aussi investis d’un sens du travail responsable, et consacrent donc plus de temps et d’efforts à réaliser la tâche désagréable que des gens moins joyeux [5]. Au total, cette littérature semble indiquer que le bonheur est propice à la motivation... Tant mieux ! Justice pour tousParmi les facteurs les plus étudiés aujourd’hui, la justice organisationnelle est soulignée comme particulièrement cruciale. Elle renvoie à l’idée d’être « bien traité » par son entreprise. Cette perception d’équité renvoie à la manière dont le travailleur estime être récompensé pour son travail et repose sur des comparaisons avec ses collègues : sommes-nous traités de la même manière, en ce qui concerne la rémunération, notamment, mais aussi en ce qui concerne les procédures ou le respect. Ainsi réaliser qu’à statut égal, le voisin de bureau doit prester moins d’heures peut provoquer une perception d’injustice. Comme les gens n’aiment pas cette sensation d’injustice, l’individu va alors chercher à rétablir l’équilibre, soit en changeant sa perception de la situation (c’est parce qu’il/elle a un diplôme plus élevé, ce qui justifie le traitement inégal, et donc annule la perception d’injustice), soit en changeant la situation (par exemple, en... travaillant moins, ce qui rétablit aussi l’équilibre, mais sans spécialement restaurer la perception de justice). Mais le travailleur qui se perçoit comme injustement traité va de toute façon revoir sa manière de considérer son lieu de travail (son supérieur), sa loyauté et sa confiance en l’organisation risquent d’en pâtir. En effet, la perception d’être traité injustement semble être un des « démotivants » les plus puissants. Cependant, la personnalité du travailleur peut entrer en jeu et certains accorderont plus d’importance à tel ou tel type d’arrangements. Certains auteurs estiment que les gens gravitent, s’ils en ont la liberté, autour des organisations qui partagent leurs valeurs. Dans une conjoncture où l’emploi est rare, cette observation est cependant hasardeuse. Enfin, si les conditions de travail jouent sur la motivation, les récompenses, et notamment le salaire, ne sont pas négligeables. L’importance d’un aspect plutôt qu’un autre dépend là aussi d’un travailleur et d’une situation à l’autre. Qui doit rembourser sa nouvelle maison sera plus motivé par un haut salaire que par la possibilité de choisir ses horaires. Performance et motivationMalheureusement, motivation et performance ne vont pas toujours de paire... La question sera alors de voir quel aspect on veut privilégier en fonction du contexte. Une étude réalisée par Hancock, Bray et Nason (2002) auprès d’étudiants universitaires dans une classe d’informatique a comparé deux types d’organisation de classe et deux types d’étudiants. Les classes étaient soit classiques, enseignées de manière « ex-cathedra », dirigées par le professeur, lequel réglait objectifs, timing, questions, soit plus participatives, avec une plus grande autonomie offerte aux étudiants, notamment dans la manière dont ils réglaient leur travail, les délais ou leurs interactions avec l’enseignant. Les étudiants étaient répartis grosso modo entre penseurs abstraits et penseurs concrets [6]. Au bout de l’apprentissage, les étudiants étaient évalués quant à leur motivation et leurs résultats scolaires. Les données ont montré que tous étaient plus enthousiastes dans la classe « autonome ». Néanmoins, les étudiants qui tendaient vers l’abstraction y réussissaient mieux, tandis que ceux adeptes du concret obtenaient de meilleurs résultats en suivant un enseignement plus traditionnel. Si maximiser la performance est nécessaire dans certains cadres (notamment un environnement économique compétitif), on pourra parfois préférer préserver la motivation au prix d’une perte de productivité, pour par exemple en récolter des bénéfices à plus long terme : même avec des résultats scolaires moins élevés, il y a fort à parier que des élèves plus motivés seront plus susceptibles de persévérer dans une voie que leurs collègues brillants mais fatigués. En conclusion...Bien des enseignants, bien des employeurs, des parents, des coachs sportifs, des activistes, aimeraient sans doute trouver le bouton magique qui motive, le petit truc imparable pour lever les foules et les faire agir. Car la motivation est multi-déterminée et donc complexe, fragile, inconstante. Mais n’est-ce pas là le vieux rêve des fanatiques de l’intelligence artificielle ? Des « nerds » des années soixante qui s’attachaient à la machine, car elle au moins obéit au doigt et à la touche ? Espérer un homme, une femme, qui soit motivable à la demande, c’est espérer un robot, un être programmé pour avoir le désir uniforme d’agir dans une direction donnée. En cela, nous ne pouvons que nous réjouir du caractère mouvant de la motivation, car elle est propre à notre humanité... Eleonore Seron Références
[1] Une conceptualisation récente de la motivation intrinsèque renvoie au concept de soi, de nos identités personnelles et sociales. Les détails de cette théorie peuvent se trouver dans Leonard, Beauvais & Scholl. [2] On pourrait la dire extrinsèque, dans le sens où le but poursuivi n’est pas le simple plaisir mais bien l’acquisition d’une compétence. Néanmoins, ces deux concepts appartiennent à des champs théoriques différents et ne sont donc pas faciles à intégrer. [3] Il ne faut pas, dans ce cadre, assimiler motivation extrinsèque et salaire. On peut travailler bénévolement pour des raisons extrinsèques, lorsque par exemple, on veut se faire bien voir d’autrui. [4] Pas spécialement en travaillant à tous les stades, mais par exemple en étant informé des différentes étapes et de leur résultat. [5] Comparaison effectuée entre personnes de bonne humeur et personnes d’humeur moyenne. Les gens de mauvaise humeur auraient évidemment constitué un tout autre problème... [6] Le concept étudié est bien évidemment plus complexe, mais nous renvoyons les personnes intéressées à l’article cité pour plus d’informations. Forum de l'article |
![]() |
||||||||||||
![]() |
![]() |
![]() |
|||||||||||||
![]() |
![]() |
||||||||||||||
![]() |
![]() |
![]() |
|||||||||||||
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |