Le terme "Cyberpunk" provient d’un mélange des termes "cyber" (préfixe de cybernétique) et "punk". Le mot "Cyberpunk" lui-même a été popularisé par Gardner Dozois, éditeur réputé du Asimov’s Science Fiction Magazine, pour qualifier le style de l’œuvre de l’écrivain William Gibson, et plus particulièrement de Neuromancien (1984) ; le terme avait cependant été employé plus tôt, en 1980, par l’écrivain américain Bruce Bethke comme titre d’une de ses nouvelles publiée en novembre 1983 dans le magazine Amazing Science Fiction Stories.
On peut dire sans être réducteur que le cyberpunk est le film noir de la science-fiction. En effet, les œuvres cyberpunk ne possèdent pas l’élégance ou la propreté que l’on peut retrouver dans d’autres univers de science-fiction, comme le space opera par exemple. Les mondes cyberpunks sont empreints de violence et de pessimisme ; ils sont souvent lugubres, parfois ironiquement grinçants (Mozart en verres miroirs, Bruce Sterling, 1986) ; les personnages sont des anti-héros désabusés, cyniques et cupides. C’est en ce sens que l’on qualifie les univers cyberpunk comme des dystopies.
Le cyberpunk se distingue par une série d’éléments récurrents détaillés ci-dessous.
Le but des œuvres cyberpunk étant souvent de mettre en relief les défauts de notre civilisation, le monde décrit est souvent dans le futur proche du monde réel. Il constitue fréquemment une vision plutôt pessimiste de notre avenir. Ainsi y sont décrits des problèmes tels que la pollution, l’essor de la criminalité, la surpopulation, le décalage de plus en plus grand entre minorité de riches et majorité de pauvres. Cette proximité temporelle avec le début du XXIe siècle rend les œuvres cyberpunk angoissantes car plausibles ; l’avenir tourmenté, ultra-violent et déshumanisé qu’elles décrivent semble alors accessible au lecteur.
Cette conviction est renforcée par le fait que des innovations technologiques décrites par les œuvres cyberpunk au début des années 1980 sont aujourd’hui devenues quasi-réalisables : la matrice, un réseau planétaire reliant tous les individus auquel ressemble de plus en plus Internet, en est l’exemple le plus frappant. Toutefois certains auteurs de science-fiction, comme Joe Haldeman, insistent sur le fait que la science-fiction en général et le cyberpunk en particulier n’ont pas pour vocation de prédire l’avenir mais de décrire le présent. Le roman Tous à Zanzibar (John Brunner, 1968) décrit par exemple des sociétés surpeuplées dont les membres ont développé un individualisme exacerbé tout en déléguant leur responsabilité et leur pouvoir de penser à des super-calculateurs, ce qui n’est rien d’autre que la mise en exergue d’éléments observables dans les années 1960-1970.
Ce que devrait nous apporter la science dans les décennies à venir se retrouve dans la littérature cyberpunk. Tous les domaines technologiques sont abordés, même si les technologies relatives à l’informatique et à l’électronique sont le plus souvent mises en avant. Ce sont les œuvres cyberpunk qui popularisent l’idée de la fusion de l’humain et du spirituel avec la machine donnant ainsi naissance à des êtres hybrides, constitués de chair et de métal. La notion de membres artificiels, c’est-à-dire de prothèses intelligentes, plus résistantes et plus sensibles que des membres naturels a été introduite avec le cyberpunk. De manière générale, nombre de personnages de romans cyberpunks possèdent un corps dont les facultés ont été augmentées artificiellement, que ce soit par des nanomachines ou des drogues.
On peut supposer qu’une telle fascination pour les machines vient de la découverte par le grand public à la fin des années 1970 de la puissance de calcul des ordinateurs émergents et des possibilités que l’informatique promet alors. L’être humain a la possibilité de déléguer son autorité et son pouvoir de décision à une instance supérieure, une sorte de dieu hyper-rationnel suivant une logique implacable, tout comme la logique décrite par Isaac Asimov dans ses trois lois de la robotique (bien qu’Asimov ne soit pas considéré comme un écrivain cyberpunk). L’influence de cette fusion homme/machine est visible notamment dans les travaux de l’artiste suisse Hans Rudi Giger, concepteur entre autre de la figure de l’Alien dans les films éponymes.
Multinationales devenues plus puissantes que des états, elles ont leurs propres lois, possèdent des territoires, et contrôlent la vie de leurs employés de la naissance à la mort. Leurs dirigeants sont le plus souvent dénués de tout sens moral. La compétition pour s’élever dans la hiérarchie est un jeu mortel. Les personnages des romans cyberpunks sont insignifiants comparativement au pouvoir quasi-divin que possèdent les méga-corporations : ils sont, face à elles, les grains de sable dans l’engrenage. Cette lutte de David contre Goliath est celle du hacker contre la multinationale et constitue un thème récurrent des romans cyberpunks (comme Gravé sur chrome, William Gibson, 1986).
Les héros du genre cyberpunk se découvrent souvent pions manipulés dans un imbroglio de sociétés secrètes, services gouvernementaux, syndicats du crime, tout cela plus ou moins dirigé par les cadres supérieurs des corporations citées précédemment.
Dès le milieu des années 1980, les auteurs comme Gibson et Sterling annonçaient que le "mouvement cyberpunk" était déjà moribond, récupéré par Hollywood, digéré et recraché sous une forme dépourvue de son élément "punk". C’est Neal Stephenson, dans son roman Le SamouraÏ virtuel (Snow Crash) paru en 1992 qui enterre définitivement le cyberpunk dans les toutes premières pages. Cependant, cette opinion est contestée par les gens mettant en avant les œuvres de nouveaux auteurs comme Richard Morgan. On peut éventuellement expliquer la diminution du nombre d’œuvres cyberpunk par le fait que certains thèmes abordés, qui étaient auparavant futuristes et précurseurs, sont de plus en plus vrais dans nos sociétés modernes. On pense notamment aux thèmes, qui furent novateurs mais ne le sont plus, de l’émergence d’un réseau mondial de communication (internet), du terrorisme de masse, du pouvoir de l’état qui s’amoindrit au profit des grandes entreprises, des prothèses et implants, etc.
Le cyberpunk, mouvement littéraire, est très proche de textes plus théoriques, ce que l’on nomme les cyberthéories. Ces textes se basent sur des idées concernant la création d’organismes hybrides, mi-humaines, mi-machines ; la construction des corps et non plus leur code génétique héréditaire, etc.