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Don’t hate the media, be the media ! (*)

Mediactivistes internationales aux rencontres Digitales

Vous vous insurgez contre la dimension « actualité-spectacle » des mass media ? Dans ce cas, faites vous-mêmes les médias ! Fini de se taire, fi des tabous, halte à la désinformation et à la déformation des faits : Les médiactivistes sortent dans les rues, donnent la parole aux militants et s’approprient l’actualité. Soutenus par des hackers, ils utilisent les dernières technologies et les logiciels libres pour faire contrepoids aux médias publics et commerciaux qui, en tant qu’instruments d’une élite, ne diffusent qu’une vision partielle du monde.

Les médiactivistes sont partout - sauf dans les médias grand public : ils participent aux actions et manifestations, tissent leur toile sur l’Internet, se montrent aux sommets et forums sociaux... Ils (elles) étaient présent(e)s également à la troisième édition des Digitales : médiactivistes internationaux des associations Indymedia, CandidaTV, New Global Vision et Mujeres in red ont animé des ateliers d’open publishing’, de vidéo-montage et de hacking et ont invité le public à participer à ce mouvement de créateurs de médias et de développeurs de logiciels alternatifs.

Maudits médias

Le 15 février 2003, des millions de personnes dans le monde sont descendus dans la rue pour protester contre la guerre en Irak. Ces citoyens du monde étaient convaincus que la guerre en Irak était une guerre du pétrole. Mais les journaux et les télévisions ont refusé de dire quels étaient précisément les intérêts pétroliers américains en Irak. En outre, fin 2003, aucune rétrospective de l’année n’a fait état de cette manifestation mondiale historique. Qu’est-ce qui ne va pas dans les médias ?

Dans Manufacturing Consent (1987) Noam Chomsky et Edward S. Herman montrent de manière scientifique comment les médias se comportent en tant que machine de propagande servant les intérêts d’une élite économique et politique. Cinq filtres « clarifient » le contenu brut de l’actualité et déterminent ce qu’il convient d’en faire : la propriété, la publicité, les sources « officielles » de l’actualité, les attaques ennemies et l’idéologie.

Propriété et publicité : "qui paie les violons choisit la musique"
Produire un média coûte beaucoup d’argent ! C’est pourquoi les médias se retrouvent dans les mains de grands groupes financiers, qui ne font pas de l’actualité simplement dans un désir altruiste d’informer les gens, mais pour gagner de l’argent. Et c’est une erreur de croire que les chaînes publiques échappent à cette logique : le monde politique oblige les chaînes publiques, par l’intermédiaire de contrats de gestion, à appliquer les mêmes critères de jugement que les médias commerciaux. Les journalistes doivent être productifs. Or, quand on doit couvrir 2 à 5 sujets par jour, on n’a pas le temps de faire des recherches ou de donner des informations approfondies. On se contente d’un abonnement auprès d’une agence de presse, et le tour est joué. Aux côtés des propriétaires, les sponsors contrôlent eux aussi le contenu : celui-ci doit être léger, divertissant et malléable (1) ; de plus, il ne peut pas véhiculer une image négative du propriétaire ou du sponsor. En d’autres termes, les idées qui ne plaisent pas aux magnats des médias, aux annonceurs ou à leurs amis politiques sont étouffées dans l’œuf et les faits dérangeants restent tus (2).

Sources « officielles » et discrédit sur les journalistes indépendants
Les départements de relations publiques du monde politique et du monde de l’entreprise tournent à plein régime. Ils donnent aux journalistes pressés par le temps de l’information prête à l’emploi. Nombreux sont les journalistes qui cèdent à l’autorité des détenteurs du pouvoir et prennent ces sources « officielles » pour « fiables » et « objectives ». Les messages des dissidents ou des groupes sans pouvoirs économiques, eux, rencontrent moins de bonne volonté, et doivent constamment refaire la preuve de leur crédibilité. Tout journaliste qui veut faire cavalier seul et mener sa propre enquête court le risque d’être ridiculisé (3) ou ne plus pouvoir accéder aux sources officielles capitales. De sorte qu’ils sont nombreux à choisir l’autocensure et à laisser le public sur sa faim, voire à le nourrir de mensonges médiatiques.

Idéologie anticommuniste et pensée unique
Ceux qui s’opposent à l’ordre établi et questionnent les rapports de force sont vite traités de communistes, ou de gauchistes. Toutefois, le terme de « communisme » - de même que l’expression « État voyou » - est une notion vague, utilisée commodément comme insulte pour ramener les journalistes les plus progressistes ou critiques dans le droit chemin. En usant de cette idéologie anticommuniste et de la « pensée unique », l’élite fait croire à la population qu’une autre société - basée sur autre chose que la propriété privée, le marché libre et la toute puissance des multinationales - n’est même pas envisageable.

Un autre type de médias est possible : faites vous-mêmes les médias !

Les médiactivistes aux Digitales 2004

Faisant un usage quotidien des nouvelles technologies, des mediactivistes internationales sont venues aux Digitales 2004 pour partager leurs compétences techniques et montrer au public qu’avec les nouvelles technologies, sont nées aussi de nouvelles manières de faire les médias :
à travers des cameras digitales, l’internet et le software libre, désormais, tout le monde peut s’approprier des médias et diffuser l’information sans intermédaires.

Indépendant/e/s et impliqué/e/s

Les médiactivistes veulent changer le paysage médiatique. Pour eux, les médias devraient s’intéresser à « l’homme de la rue », à la démocratie et à l’amélioration des conditions de vie de la population (4). Les médiactivistes ne se cachent pas derrière une soi-disant « objectivité » : ils affichent ouvertement qu’ils font de l’actualité avec le point de vue de la population et de la lutte sociale.

Cristina (Candida TV) : « Les médiactivistes ne fabriquent pas de la contre-information, ils créent de l’information. Ils ne couvrent pas les événements de manière collatérale : ils y participent parce qu’ils veulent que les choses changent et parce qu’ ils approuvent le but de l’événement en question ».

Toutes les sept secondes, un enfant meurt de faim. Chaque jour, 100.000 personnes meurent de pauvreté. Les 400 plus grandes fortunes du monde possèdent davantage que l’ensemble des trois milliards de plus pauvres sur terre. C’est contre cette injustice que les antiglobalistes sortent dans la rue. Mais les médias passent leur discours à la trappe et présentent des manifestations massives uniquement comme des manifestations violentes. Les médiactivistes savent parfaitement ce que veulent les militants et préparent eux-mêmes les reportages sur leurs actions. Ils vont chercher leurs informations chez les gens eux-mêmes, qui sont les premiers témoins des injustices qu’ils subissent.

Confrontant et dénonciateur
Les médiactivistes font parler des voix que d’autres bâillonnent : les femmes en réseau (mujeres en red), qui exigent la justice sur les centaines de femmes assasinées depuis 1993 en Ciudad Juaréz et Chihuahua (Mexique) en piratant le nom de domaine www.mexicoturismo.org ; les ouvrières argentines qui font tourner de leur propre chef leur usine mise en faillite  ; les militants pacifistes, les écologistes activistes (5),.. Les médiactivistes remplissent les blancs laissés par les médias grand public et démontent les fausses affirmations. Ils font des recherches, démasquent les mensonges médiatiques (6) ou font le jour sur les sujets sensibles que les médias grand public essaient de cacher au public (7).

La technologie piratée
Les hackers ne sont pas des crackers ! Le « hacking » consiste à déstabiliser et à exploiter autrement la technologie qui a été produite dans un but de simple consommation. Les gsm, l’Internet, la photo et la vidéo digitale sont exploitées par les médiactivistes pour diffuser leur discours auprès du plus large public possible. Les Hackers les soutiennent en développant des logiciels libres sur mesure et en créant par eux-mêmes des techniques avancées telles que la vidéo-compression, le streaming (diffusion en direct sur l’Internet) et des antennes TV et Internet sans fil.

Agnese (CandidaTV) : « Nous encourageons les gens à créer leur propre station TV en envoyant nos enregistrements vidéo via un canal TV communautaire. Notre vision s’inspire de la philosophie du hacking : la télévision doit être un media que tout le monde peut s’approprier ».

Sabotage, espionnage et violence policière gratuite
Les politiciens et journalistes grand public traitent les antiglobalistes de hooligans politiques. La police et les services de renseignements surveillent les mouvements de protestation sociale et développent de nouvelles techniques de répression à leur encontre. Le matériau des médiactivistes (surtout les images vidéo et les photos) prouve souvent que la police outrepasse trop souvent ses compétences. Les médiactivistes dénoncent en force l’information partiale et la criminalisation par l’État. L’information qu’ils diffusent est apparemment suffisamment gênante pour qu’on ait tenté à plusieurs reprises de les réduire au silence (8).

George Monbiot (journaliste britannique et média-activiste) : « Chaque combat auquel nous participons est un combat pour le cœur et les convictions des autres citoyens. Notre guerre est une guerre pour l’information et nous utilisons donc toutes les armes dont nous disposons. Nos adversaires tenteront toujours de nous calomnier et de nous détruire, aussi justes soient nos exigences. À moins que nous ne ripostions ».

Lize De Clercq
Mars 2004

(1) En juin 2001, les grandes chaînes télévisées américaines ABC, CBS et NBC ont diffusé à peine 7% d’actualité pure contre 25 pour-cent d’actualités sur des visages connus, 33% de publicité et 47% de vie moderne.
(2) La Columbia Journalism Review a examiné 200 récits sur des manifestations antiglobalistes à Prague (2000), Québec, Göteborg et Gênes (2001). Pourquoi la présence de centaines de milliers de gens dans les rues a été ignorée ou gommée par les 10 grands médias américains, qui ont relaté ces événements comme des spectacles de cirque en taisant le réel engagement économique et politique de ces rassemblements.
(3) Au cours de la Marche blanche (20 octobre 1998, 300.000 manifestants), le 1er ministre Dehaene a canalisé les médias. Les journalistes qui ont enquêté sur d’éventuels canaux de commerce d’enfants ont été ridiculisés. Ils ont été étiquetés de "believers" si pas de fous.
(4) Palagummi Sainath dans : ’Journalism for People’, Media Development, 1999
(5) Sur Indymedia, plusieurs reportages sont publiés, par exemple sur les activistes blessés après l’intervention de la police à Gênes (Italie, juillet 2001) ; sur les pacifistes activistes qui bloquent des trains transportant du matériel de guerre américain et inspectent les stocks d’armes nucléaires ; sur les écologistes activistes qui investissent une forêt pour la protéger du déboisement ; sur les casseurs de pub (adbusters) qui critiquent l’omniprésence de la publicité...
(6) Mi-avril 2002, les militaires de droite ont arrêté le président vénézuélien Hugo Chavez, présenté à l’Occident comme un populiste à tendance dictatoriale. Il a utilisé les revenus du pétrole au bénéfice de la population et a soutenu Cuba. Au cours du putsch, des coups de feu ont été tiré ; d’après les médias commerciaux de droite au Vénézuela, ceux-ci provenaient des « communistes de Chavez » alors qu’en réalité c’étaient les paramilitaires de droite qui avaient tiré sur les manifestants pro-Chavez. Le film The Revolution will not be Televised relate avec force les événements tels qu’ils se sont produits [téléchargez le vidéo] [bekijk video].
(7) Geoffrey Geuens a créé une double base de données. Dans une liste, figurent les noms des propriétaires de multinationales ; dans l’autre, ceux des administrateurs de clubs sélects et autres think tanks influençant la politique des Etats. Il ressort de la confrontation de ces deux listes que les milieux se chevauchent, que les mêmes noms apparaissent dans l’une et l’autre. Les grands noms du monde de l’entreprise, de l’Etat et des médias oeuvrent à la défense des mêmes intérêts.
(8) Les razzia de la police ont détruit des centres de presse indépendants durant les manifestations contre le G8 in Gênes (juillet 2001) en Genève (juin 2003). La police a interdit le fonctionnement d’un polymedialab durant les activités WeSeize ! au sommet NU sur la société de l’information (SMSI).

Sources
Manufacturing Consent, The Political Economy of the Mass Media (1987), Edward S. Herman & Noam Chomsky, Vintage, London
Manuel du média-activisme (2004) Han Soete, Raf Custers et Bruno De Bondt, EPO, Bruxelles
The Hacker Ethic and the Spirit of the Information Age (2001), Pekka Himanem, Vintage, London

Liens Sites d’actualités et magazines alternatifs
Belgique et Pays-Bas : Indymedia [Belgium | Nederland |Liège | West-Vlaanderen | Oost-Vlaanderen | Antwerpen | Limburg] | Uitpers | Zand in de machine (attac) | MO* | Globalinfo.nl | Risal (amérique latine) | IPSnews | OneWorld.nl
France : Hacktivist news | Samizdat.net | Mediactivism | Multitudes | Le Monde Diplomatique | Politis | Dissident media
International : Hubproject (media(h)ac(k)tivisme) | Hacklabs | WeAreEveryWhere | Greenpeppermagazine | Makeworlds | Metamute
Références : Znet (mondialisation - Noam Chomsky) | Corporate European Observatory | WhoOwnsWhat (à qui appartiennent les médias ?)| Transnationale.org (multinationales et puissants) | CorpWatch | Global Research (mondialisation - Michel Chossudovsky) | Counterpunch (bulletin radical) | WhatReallyHappened | Transnational News Navigator (nombreux liens médias)

(*) Ne haïssez pas les médias, faites-les !


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