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TIC & emploi précaire
Stand-by et précarité
L’accès aux TIC a procuré de nouvelles opportunités d’emploi à de nombreuses femmes. Mais en informatique également, toute médaille a son revers. Les femmes occupent les fonctions TIC les plus basses de l’échelle et souffrent, plus souvent que les hommes, de conditions de travail précaires. Ada fait le point sur les télé-travailleuses, les employées mal payées des "call-centers" ainsi que les jeunes femmes venant de milieu rural exploitées dans les « sweat-shops(1) » asiatiques de hardware.
L’économie des « nouvelles » TIC n’échappe pas aux vieilles discriminations de genre. En effet, les femmes y sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à occuper des postes mal payés ou précaires. De plus, les opportunités de télétravail offertes par les TIC ne rééquilibrent pas davantage la balance entre les hommes et les femmes. Nombreuses sont les femmes travaillant dans des centres de support ou des lignes d’assemblage électronique caractérisés par de mauvaises conditions de travail, des horaires très longs et un travail monotone pouvant entraîner des troubles de la santé (2).
Télé-précarité
Grâce aux TIC, de nombreuses tâches telles que la programmation, la comptabilité, l’encodage, le journalisme et la vente sont effectuées depuis le domicile. Si ce sont surtout les femmes qui apprécient le télétravail (3), il apparaît que dans cette branche des TIC également, les écarts entre les genres sont très marqués. En d’autres mots, les TIC ont beau influencer fortement tout ce qui a trait au « travail », la répartition des tâches ménagères, quant à elle, n’a vraiment pas changé. La « femme-au-foyer-télé-travailleuse » moderne reste confrontée à sa double tâche de sorte qu’elle en arrive souvent à s’auto-exploiter (et faire, par exemple, de longues heures supplémentaires en soirée pour respecter les délais). Autant dire qu’elle dispose de peu de temps pour se remettre à jour et que, souvent, elle risque de perdre vite sa place au profit d’une nouvelle génération TIC de jeunes télé-travailleuses (4).
Les organisations de femmes signalent aussi que le télétravail peut contribuer à alimenter le stéréotype selon lequel la place de la femme est « au foyer ». Le manque de visibilité et l’isolement constituent un risque pour les télé-travailleuses de voir leurs droits professionnels se réduire comme peau de chagrin et de se voir elles-mêmes, tout comme leurs aînées - les femmes au foyer « tout court » - confrontées à des salaires minimaux, à des opportunités d’épanouissement très réduites et une couverture sociale déficiente (5).
Call-girls
Un nombre croissant de services repose aujourd’hui sur le téléphone : la vente de tickets, les réservations, les commandes, le support, etc. Combien de fois, en effet, n’avons-nous pas en ligne un « opérateur » ou autre « call center »… Chez nous comme dans les pays en voie de développement, le secteur est devenu le plus gros employeur de la « nouvelle » économie. Mais les conditions de travail précaires des employés de call centers (généralement des femmes) ont déjà poussé de nombreuses organisations à tirer la sonnette d’alarme.
Bien que quantité de rapports sur le marché de l’emploi encensent les call centers comme étant la nouvelle source de travail en col blanc, dans la pratique, la différence avec le classique « travail à la chaîne » est plutôt ténue. Car le travail est mal payé, monotone et routinier et il suscite pas mal de plaintes en termes de santé (tendinites du poignet dues à l’utilisation de la souris, épuisement). Sans compter que les opportunités de gravir les échelons sont souvent inexistantes, de sorte que les collaborateurs/trices prennent le réflexe du « ce n’est quand même que provisoire », une échappatoire qui pèse de tout son poids sur l’organisation du travail (6). Les call-girls & boys doivent se plier à une supervision très hiérarchisée et sont soumis à un cadre de travail hautement concurrentiel : vous avez atteint les quotas de prestations, vous obtenez un bonus ; dans le cas contraire, vous êtes raillé(e ) voire viré(e) ! (7).
Par ailleurs, les call centers n’échappent pas, eux non plus, à la délocalisation et de nombreux services clientèle (British Airways ou American Express notamment) sont implantés dans des pays à faibles salaires, plus précisément des régions anglophones telles que l’Inde, la Malaisie, les Philippines ou le Ghana. Les employés se présentent sous un nom européen et sont obligés d’apprendre l’accent anglais ou américain pour ne pas susciter l’irritation chez les clients du fait que leurs données personnelles sont traitées loin de chez eux (8).
De nouveaux « emplois féminins » dans les sweat-shops digitaux
En Inde et en Malaisie, 40 à 70% des employés des call centers sont des femmes, âgées de 20 à 25 ans (9). Par ailleurs, de nombreuses femmes asiatiques « informatisées » travaillent dans d’autres branches liées aux TIC telles que l’encodage de données et la production de logiciels. Dans les « sweat-shops » high-tech de la Silicon Valley, d’Amérique centrale et de Chine, des milliers d’immigrants et de femmes des campagnes sont exposées aux substances chimiques toxiques utilisées dans l’assemblage des micro-puces des ordinateurs et équipements, des biens qu’ils ne pourront, par ailleurs, jamais se payer (10).
Dans la publicité d’État indienne, censée attirer les investisseurs TIC étrangers, l’accent est placé sur « l’habileté » et la « docilité » (11) des travailleuses féminines aux « petits doigts ». Les femmes sont exploitées dans des emplois décrétés typiquement féminins et donc mal payés. En d’autres mots, elles sont moins bien payées parce qu’elles sont des femmes et non en raison du travail qu’elles accomplissent (12).
Des recherches réalisées sur les pratiques de travail appliquées par des entreprises d’export ont révélé que les employeurs brandissent aussi le modèle des rôles traditionnels pour justifier les bas salaires et le manque d’opportunités de carrière : les femmes sont soi-disant « très expertes dans les tâches monotones » et travaillent dans le secteur « uniquement pour compléter les revenus familiaux » (13).
Lize De Clercq
Mai 2005
Sources, notes et liens.
(1) Atelier de misère en français : désigne les établissements où les taux de salaire, les normes de sécurité et les conditions de travail sont inférieurs à ce qui est généralement en vigueur dans le métier, l’industrie, la région. (N.D.T.).
(2) ILO’s World Employment Report 2001 : Despite Improved Employment Outlook,
Digital Divide Looms Large, 24 janvier 2001
(3) Il convient de distinguer clairement d’une part le « télétravail exécutif » (c’est-à-dire le travail administratif) qui est souvent répétitif et ingrat, et le télétravail effectué par des cadres supérieurs et des dirigeants, qui est surtout intellectuel et créatif. La position d’un employé exécutant ou d’un cadre ou manager par rapport au télé-travail est très différente, tant dans la relation à l’employeur qu’au niveau de la souveraineté du temps. Dans VOK standpunten, Telethuiswerk en vrouwen
(4) Women, Communication Rights and the Internet, Jo Sutton, Scarlet Pollock & Lynn Hauka, 30 octobre 2002, p. 10-12
(5) Telecommuting : a gender perspective approach, Dafne Plou, 21 février 2005
(6) Asian women in the digital economy : policies for participation, Swasti Mitter, uit : The Global Knowledge II Women’s Forum, United Nations Development Programme, 2001, p.24
(7) The new global economy : women as winners in the new economy ?
(8) Globalisation and ICT : Employment Opportunities for Women
(9) idem (7)
(10)
Internet & ICT for Social Change
Vulnerable Labour in Global Capitalism, Robert J. S. Ross in : "Labour in a Globalising World : The Challenges for the Asia", 4-6 janvier 2001
The female face of the proletariat
Cheap products’ human cost, Karl Shoenberger, San Jose Mercury News, 24 novembre 2002
Monstrous Domesticity, Faith Wilding
High Tech Sweatshops
Sweatshops drawing medical attention, Chris Petrakos, AMNews, 6 mars 2000
Women Workers in Chinese Sweatshops , Ting Yong, avril 2004
(11) idem (6)
Something old, something new, something borrowed... the electronics industry in Calcutta
(12) Who makes it ?
(13) Economic Globalisation and Gender Issues, Juanita Elias
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Lize De Clercq
avril 2005
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