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Enjeux politiques Femmes et logiciels libres : un enjeu de société Si les femmes sont peu nombreuses dans les métiers informatiques en général, elles sont quasiment absentes du monde du logiciel libre. Or, les spécificités de ce qu’on appelle "l’Open Source" en font un domaine où les femmes ont tout intérêt à prendre leur place. ADA se penche sur les causes de leur absence et les enjeux à la clef. La question de la représentation et de l’action des femmes dans les technologies mobilise le réseau ADA depuis plusieurs années. Les chiffres de leur présence/absence sont connus. En Belgique, elles représentent 15 % des informaticiens, 10% des étudiants en informatique. Pourtant, elles sont maintenant la moitié des utilisateurs du web. Les raisons de leur quasi-absence dans les métiers et les communautés d’informaticiens sont analysées, répertoriées et contrées régulièrement par nombre de groupes d’activistes, d’artistes, par des recherches européennes, par des réseaux nationaux, internationaux ou locaux. Pourquoi se pencher sur cette question plus particulièrement dans les communautés du logiciel libre 1 ? Pourquoi un réseau de centres de femmes, des chercheuses, des féministes, devraient-ils se préoccuper de la présence des femmes dans les logiciels libres ? Pourquoi encore se préoccuper de l’usage et de l’apprentissage des logiciels libres par des utilisatrices ? Des chiffres édifiants
Dans la pratique Les femmes qui vivent une précarité de travail, d’accès aux technologies ou aux formations, ont besoin d’outils gratuits, ouverts, qui permettent un apprentissage collectif et hors des structures. Cette nécessité n’est plus à démontrer : nous devons être maîtresses (ou du moins avoir la possibilité de l’être) des outils et donc des normes qui définissent notre travail avec la machine. Le projet Cybersoda 4, développé par le réseau ADA, est un exemple de ce que les logiciels libres peuvent apporter à la pratique des femmes informaticiennes. Il a été réalisé en logiciels libres, alors que les stagiaires et formatrices qui l’ont réalisé avaient d’abord une pratique des logiciels propriétaires. Mais leur vœu était de développer un outil qui porte leur expérience, qui soit à leur image. Il leur fallait pour cela pouvoir entrer dans le code, le modifier, et avoir ensuite le droit de distribuer et de partager leur travail. En cours de développement, lorsqu’elles rencontraient un obstacle, elles ont eu ainsi l’opportunité d’imprimer le code, d’y chercher les problèmes, et d’interagir avec d’autres développeurs via de nombreux forums en ligne. Grâce à cette souplesse et cette ouverture, le Cybersoda peut aujourd’hui être distribué, modifié, copié tout en respectant leurs droits de co-auteures de ce projet. Un atout pour la formation La manière dont se développent les logiciels libres et l’esprit d’échange qui y participe génèrent des réseaux et des interactions entre les personnes qui les créent et les utilisent. La rétribution et la réputation de chacun/e se construisent dans le réseau. Or, la mission fondamentale de la formation est le partage et l’échange des connaissances, librement consentis 5. Cet idéal est à l’évidence bien en phase avec les mécanismes du logiciel libre. La documentation et le code des logiciels libres sont, eux aussi, dans des formats libres et ouverts, ce qui est essentiel pour la mise en commun des ressources au sein du système éducatif. Notamment, l’accès au code source du logiciel permet à tous et toutes d’apprendre en lisant via l’accès au travail d’autrui. Chacun/e transmet son expérience, livre les modifications apportées à d’autres qui se nourrissent à leur tour de cet apprentissage. Mais cette mise en commun ne concerne pas uniquement les logiciels. Les licences libres sont aussi choisies par des projets d’artistes, d’encyclopédie, de projets audiovisuels 6 que chacun peut ensuite réutiliser presque à sa guise 7. Une communauté (malheureusement) comme les autres
Si une large proportion des hommes et des femmes qui oeuvrent dans le milieu des logiciels libres souhaite plus de femmes dans leur communauté, ils/elles reconnaissent que les hommes et les femmes y sont traités différemment. Pourtant seulement 30% des hommes perçoivent l’existence de comportements discriminants envers les femmes, alors que 80% des femmes disent ressentir cette discrimination. Celle-ci est vécue sous forme de blagues sexistes sur l’incompétence des femmes face aux ordinateurs, de drague répétée, d’approche stéréotypée de leurs compétences : « en tant que femme, tu dois pouvoir régler les conflits, prendre soin des autres ou pouvoir choisir mon nouveau t-shirt ». Parfois, la discrimination s’exprime simplement parce qu’on estime par défaut, dans la documentation ou les discussions en ligne, que les participants sont des hommes. C’est un fait, dans l’informatique, nombre de femmes sont attirées par les actions de transmission (traduction, écriture de documentation, organisation des événements) ou réfléchissent à comment utiliser leurs compétences techniques dans l’usage courant et communautaire. Ces actions décisives pour le développement du logiciel libre ne sont pourtant pas considérées comme « sérieuses » par la communauté en général, c’est-à-dire par les hommes. Dans les entretiens menés pour leur livre « Unlocking the Clubhouse » (2003), Jane Margolis et Allan Fisher révèlent les mêmes sentiments chez des étudiantes en informatique du Carnegie Mellon Institute : seul le code semble compter. Or les compétences qu’apportent les filles sont vitales car elles n’envisagent pas l’informatique comme se limitant au code, mais s’intéressent à l’interaction, à l’interface, aux langages, au tissu social modifié par l’informatique, à la compréhension des outils créés et utilisés,... Considérées comme « sociales » donc féminines, elles sont pourtant reléguées au second rang alors qu’elles sont déterminantes pour les objectifs de la programmation. Un autre aspect qui n’a rien de spécifique au monde du logiciel libre, est la persistance de l’image du « hacker », dédié corps et âme au code et à l’ordinateur 9, comme étant le prototype idéal de l’informaticien. Les logiciels libres souffrent encore davantage de cette image de complexité réservée aux « purs », aux « vrais », même lorsqu’il s’agit simplement d’utiliser un logiciel de traitement de texte ou d’images qui est maintenant à la portée de tous/tes. Du temps et un ordinateur à soi
La question du temps reste donc centrale : s’investir dans le monde du logiciel libre, dans l’échange de savoirs, aider les femmes à y entrer, nécessite d’y consacrer des heures ! Or, souvent, soit les femmes et jeunes filles préfèrent des loisirs plus sociaux que de coder et tester de nouveaux logiciels, soit, lors de ce temps libre, elles n’ont pas nécessairement accès à un ordinateur, qu’il soit familial ou personnel, soit, enfin, leur « temps libre » vise en fait à réaliser les tâches familiales et ménagères, qui ne peuvent être résolues en ligne... Si, comme le disait Virginia Woolf, les femmes ont besoin d’une « chambre à soi » 14 pour créer, elles ont besoin d’un ordinateur à elles pour programmer. Dans l’enquête Flosspols, on analyse la différence d’âge entre filles et garçons au moment où ils/elles ont accès à un ordinateur et surtout à leur propre ordinateur. Les hommes interrogés dans la communauté du libre ont eu leur premier ordinateur à 15 ans, et les femmes, à 19 ans. Comme le faisait remarquer Hannah Wallach, à 19 ans, on travaille ou on a entamé des études supérieures et on dispose donc de moins de temps libre pour programmer, tester, apprendre en ligne. Le rôle de ce premier ordinateur dans la genèse des vocations d’informaticiens/nes est également souligné par Margolis et Fischer dans « Unlocking the Clubhouse ». Des communautés différentes L’avantage du logiciel libre est son développement en réseau, collaboratif, ouvert et non son marketing efficace. Les logiciels libres gagnent leur réputation sur leur sécurité, leur fiabilité et leur éthique, sur le fait qu’ils envisagent l’utilisateur/trice comme un/e participant/e potentiel/le au développement futur des logiciels et non comme un/e consommateur/trice silencieux/se. Ce potentiel de participation devrait encourager leur utilisation et leur découverte dans des lieux de formation où le sentiment de compétence et de communauté doit être stimulé. « La liberté n’est pas que pour les geeks » disait Jean Waugh, représentant d’Ubuntu 15, (Fossdem, 2006). Les logiciels libres ont cette potentialité d’un accès et apprentissage continu en ligne et en communauté. L’intérêt des logiciels libres dans un cadre de formation des femmes à l’informatique, mais surtout à un monde informatisé qui sollicite régulièrement une mise à jour des compétences, n’est plus à démontrer. Nous devons nous dégager d’une vision de la formation, de l’apprentissage de l’informatique, rapide et efficace et sur un seul produit répandu par son monopole et son efficacité financière et de marketing. Nous connaissons l’importance de pouvoir travailler, découvrir, bidouiller dans plusieurs plate-formes et de montrer l’accès au code pour celles qui le souhaitent. Le logiciel libre, la liberté du code du libre, la disponibilité du code et de la documentation en ligne ouvre la porte vers la programmation. Certes, personne n’est obligé de la traverser, mais le choix est là. Nous pouvons être indépendants/es face aux outils informatiques. Nous pouvons installer un ordinateur pour peu d’argent avec tous les outils nécessaires sans enfreindre des lois de plus en plus sévères contre la copie, la piraterie. Nous avons le choix entre les logiciels, nous ne sommes pas que des consommateurs/rices, nous sommes des utilisateurs/rices et des explorateurs/rices potentiels/les des codes et des réseaux. Les femmes sont prêtes à explorer, à tester, mais comme toute communauté scientifique, technique et informatique, la communauté du libre doit travailler pour faire tomber les barrières conscientes et inconscientes qui ralentissent l’accès de tous ceux et toutes celles qui ne correspondent pas au canevas du programmeur solitaire. Ce travail est soutenu par les projets spécifiques déjà cités plus haut et le réseau ADA : créer des moments et des espaces de formation et de rencontres de femmes autour des logiciels libres, reconnaître et nommer la discrimination quand elle se profile, visibiliser les femmes et tous/tes ceux et celles qui échappent du stéréotype du hacker, écrire les manuels et la documentation en utilisant le féminin et le masculin,... Dans cette même optique, ADA, en tant que réseau de recherche, de sensibilisation, de formation, mène des actions pour augmenter la présence des femmes dans les métiers de l’informatique, encourager les filles dès l’école secondaire à ouvrir l’outil 16, montrer que l’informatique 17n’est pas que du code, y compris dans le développement et la pratique des logiciels libres. 18 Des femmes et des logiciels libres, de chaque côté des stéréotypes se font face, le chemin est ouvert, le code est ouvert, empruntons-les, pour un ordinateur à soi. Laurence Rassel Avril 2006
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