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Des mesures « sensibles aux femmes » qui ne satisfont pas toutes les femmes

L’"emploi idéal" est-il idéal pour les femmes ?

Le travail à temps partiel, le télétravail ou les horaires flexibles ne sont pas la solution idéale pour tou(te)s, et n’améliorent pas nécessairement la satisfaction au travail et l’harmonie entre le travail et la vie privée. Ce sont surtout les femmes peu scolarisées qui souffrent, plus qu’elles ne profitent, de ces mesures soi-disant « favorables aux femmes ». De plus, les femmes sont sous-réprésentées dans les programmes de formation en promotion sociale. Telles sont, entre autres, les leçons que nous avons pu tirer de la table ronde ADA "Best Work Place = Best Women Work Place ?". Elle réunissait les participantes des Journées Digitales et des représentantes des syndicats, du monde de l’entreprise, de centres de recherche et des pouvoirs publics.

Depuis 2003, le Centre HRM de la Vlerick Management School, en collaboration avec le Great Place to Work® Institute Europe publie une liste des Meilleurs Employeurs Belges.. Les entreprises qui font preuve d’une politique exceptionnelle en termes de diversité, d’égalité entre les hommes et les femmes et de formation continue se voient attribuer une récompense spéciale. Il va sans dire que tout le monde rêve de décrocher « l’emploi idéal » dans l’entreprise idéale. Mais l’emploi idéal est-il aussi idéal pour les femmes ?

Les entreprises, les pouvoirs publics ainsi que les syndicats considèrent le travail à temps partiel, le télétravail ainsi que les horaires flexibles comme de « bonnes pratiques » favorisant l’égalité entre les hommes et les femmes en termes d’emploi du temps, de niveau de fonction, de satisfaction au travail et de salaire. Toutefois, les tables rondes organisées dans le cadre des Journées Digitales ont également révélé les aspects néfastes de ces « avantages » et ont amené à formuler une série de propositions d’action pour les entreprises, les syndicats et les autorités.

C’est bon pour les affaires
Sous couvert de favoriser « une meilleure qualité de vie et une meilleure combinaison entre le travail et la famille », la législation belge a été profondément réaménagée en matière de travail à temps partiel, de crédit-temps, de congé de parenté et de congés sabbatiques. Le postulat est que des collaborateurs/trices heureux sont plus productifs. Le personnel d’entreprises comme IBM et Hewlett Packard bénéficient, en plus des mesures officielles visant « l’entreprise idéale », d’avantages tels que le télétravail, les horaires flexibles, le sport au travail, les bureaux satellites, l’e-learning ou encore des formations sur la gestion du temps.

Selon Dominique Tenaerts, collaboratrice au IBM’s Women Leadership Council Belgium, le gain en terme de temps d’attente témoigne de la productivité accrue des télévendeurs m/f - ceux-ci peuvent consacrer plus de temps aux clients. Même le personnel administratif peut recourir au programme IBM de télétravail, selon Dominique Tenaerts. Celle-ci explique que les femmes qui ont la possibilité de travailler à temps partiel ou à distance peuvent plus facilement combiner leur travail avec les tâches ménagères qui leur incombent généralement, de sorte que de telles mesures sont, pour IBM, un bon moyen d’attirer les femmes et de garantir une diversité suffisante.

À l’instar d’IBM, Hewlett Packard défend aussi le concept de diversité. Dans un monde multiculturel, le mélange des sexes, des couleurs de peaux, des âges, des nationalités, des religions et des valides et moins valides stimule la créativité, la productivité, la satisfaction du client et, partant, les résultats de l’entreprise, déclare Pilar Cortés, HR manager chez Hewlett-Packard Belgium.

Pas idéal pour tous les travailleu(r)ses
Mais chaque médaille a son revers et il en va de même pour le travail à temps partiel, les horaires flexibles et le télétravail. Irène Kaufer, déléguée syndicale de la SETCa à la FNAC : « Le travail à temps partiel est indubitablement un cadeau apprécié lorsqu’on gagne assez d’argent et qu’on ne dispose pas du temps suffisant pour associer un emploi sollicitant à une vie privée bien remplie. Mais, pour les personnes faiblement scolarisées, le travail à temps partiel n’est pas un choix - c’est à prendre ou à laisser. » Ce sont surtout les secteurs employant traditionnellement beaucoup de femmes - le secteur de la distribution ou de la santé, par exemple - qui sont caractérisés par des statuts précaires tels que des contrats à temps partiel, « flexibles » et temporaires. « Ce qui est sûr c’est que « l’emploi idéal » n’est certainement pas celui qui procure un salaire minimum pour un contrat de dix-huit heures », affirme Irène Petre de la Centrale Nationale des Employés (CNE).

La flexibilité est l’idéal pour les personnes qui bénéficient d’un horaire « flottant » pour remplir leur fonction correctement. Mais elle est un cauchemar pour ceux qui n’ont d’autre choix que de travailler trois heures par-ci, trois heures par-là afin de survivre. Les horaires, les heures supplémentaires et le salaire au final sont pour les caissiers/ères et infirmiers/ères - et donc surtout pour les femmes - tellement imprévisibles qu’il leur est devenu pratiquement impossible de supporter la hausse des prix locatifs, par exemple. Même une visite chez le médecin devient difficile à réaliser, sans parler de l’idée de suivre un cours du soir ou d’entretenir une vie sociale.

La formation, pas neutre non plus

Plusieurs études révèlent que le fait de pouvoir suivre une formation contribue à la satisfaction au travail. Cependant, de nombreuses formations professionnelles sont davantage axées sur le développement des compétences des cadres supérieurs qui disposent déjà d’un niveau élevé de formation. Dans la mesure où les fonctions supérieures sont généralement occupées par des hommes, les femmes sont souvent lésées. En outre, nombreux sont les hommes qui laissent encore les tâches ménagères et l’éducation des enfants aux femmes, de sorte que celles-ci peuvent difficilement combiner leur responsabilité familiale à une formation en cours du soir.

Si nous observons plus particulièrement les formations professionnelles dans le secteur TIC, nous constatons que les femmes ne sont représentées qu’à concurrence de 17% dans les formations techniques pour les informaticiens (réseaux, systèmes d’exploitation, programmation,…). Et les femmes sont encore moins nombreuses dans les formations pour demandeurs d’emploi : 13% seulement des femmes suivent une formation technique en informatique, selon Roos Ruysschaert du Cevora.

Par ailleurs, la plupart des formations TIC ont lieu en dehors du temps de travaille c’est là que le bât blesse d’après Isabelle Collet (Université de Paris X). Les entreprises attendent de leur personnel qu’il acquiert de nouvelles aptitudes par ses propres moyens et sans y réserver une part de leur temps de travail. Mais en raison de la charge familiale qui leur est imposée, les femmes sont moins disposées à suivre indépendamment une formation complémentaire en soirée. En outre, les femmes seraient beaucoup moins enclines que les hommes à apprendre dans des manuels : elles préfèrent une formation de personne à personne, selon Isabelle Collet. Quand à la formation informelle, par des pairs, est aussi plus difficile pour les femmes dans la mesure où leur cercle relationnel comporte souvent moins de spécialistes en informatique que chez les hommes.

Illusoire neutralité des genres
La plupart des secteurs où sont prises des mesures en faveur de « l’emploi idéal » ne sont généralement pas des secteurs employant beaucoup de femmes. De plus, la plupart de ces dispositions s’adressent exclusivement aux fonctions élevées, qui, généralement, sont occupées par des hommes. Ce sont aussi des hommes en général qui calculent les barèmes de salaires et les qualifications de fonctions, de sorte que les qualités considérées traditionnellement comme étant « féminines » (la capacité d’écoute, les aptitudes en communication,…) sont moins valorisées.

Pour soi-disant lutter contre l’inégalité entre les hommes et les femmes, une série de mesures ont été prises par le passé, qui ont, en fait, aggravé les conditions de travail des femmes. La levée de l’interdiction du travail de nuit pour les femmes en est l’exemple le plus connu. Au nom de cette égalité entre les hommes et les femmes, certaines mesures visant « l’emploi idéal » menacent même d’approfondir l’inégalité. « Les femmes sont souvent traitées par les syndicats, les dirigeants d’entreprises et même par les pouvoirs publics comme une « variable » (économique) : quand le taux de chômage est trop élevé, ils nous demandent de retourner à la maison et de travailler à temps partiel », explique Cristina Lunghi de Arborus.

Celle-ci de préciser : « Avec le travail à temps partiel et le télétravail, nous risquons de tomber à nouveau dans le piège du stéréotypage ». « Quand de telles mesures « sensibles aux femmes » sont annoncées, le ménage et l’éducation des enfants sont estampillées a priori comme étant des responsabilités féminines. Les femmes doivent tout faire : les tâches ménagères et les services à la société, et elles doivent elles-mêmes se débrouiller et gérer leur temps pour y parvenir ».

De fait, même le télétravail - la mesure la plus moderne - s’avère n’être pas neutre en termes de genre. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à opter pour cette disposition « favorable au bien-être ». Mais l’étude d’Isabelle Hansez (Université de Liège) révèle que ces femmes subissent dans le télétravail plus de stress que les hommes car, outre leur travail, elles sont perpétuellement occupées par une diversité de tâches ménagères ». « Faux » avance Dominique Tenaerts d’IBM : « faire les courses en journée est justement moins stressant ! » développe-t-elle. Mais, pour Isabelle Hansez, c’est oublier qu’entre-temps, leur travail professionnel s’accumule, tandis que les hommes, eux, travaillent tranquillement pour leur entreprise, sans se préoccuper des tâches ménagères, quand ils font du télétravail.

Propositions d’action
Les propositions ci-dessous ne sont qu’un échantillon des nombreuses actions et projets (de recherche) avancés dans le cadre de la conférence ADA « Best work place, best women work place ? ». À la fin des différentes sessions, un bilan a été établi à partir des points de convergence et de discussion en vue de formuler différentes propositions d’action et recommandations à l’attention des entreprises, syndicats, pouvoirs publics et organisations syndicales :

  • Ne pas présenter le modèle de travail à temps partiel comme étant la solution appropriée pour les femmes ;
  • Continuer de développer les formations spécifiques pour les femmes ;
  • Continuer de développer des instruments (extralégaux) pour encourager la politique d’égalité des chances dans les entreprises ;
  • Valoriser les qualités traditionnellement attribuées aux femmes, et les aptitudes acquises davantage dans la sphère familiale que dans le cadre professionnel ; Traduire cette revalorisation par une égalisation des salaires entre les femmes et les hommes, dans la mesure où le calcul de nombreux barèmes salariaux valorise uniquement les qualités considérées comme « masculines » ;
  • Organiser des campagnes d’information dans les écoles concernant les opportunités professionnelles pour les filles dans les métiers plus techniques ;
  • Harmoniser les problématiques des femmes cadres avec celles des non cadres ;
  • Adapter le contenu des formations professionnelles aux femmes et aux fonctions traditionnellement occupées par les femmes de sorte que les femmes faiblement scolarisées puissent-elles aussi accéder aux formations continues et à des réorientations.

Pour conclure, il convient d’ajouter ceci : cette conférence a montré que les responsabilités familiales des femmes restent un frein au fait que les mesures en faveur de « l’emploi idéal » se traduisent, dans la réalité, en un « emploi idéal pour les femmes ». La relance d’une campagne pour le « nouvel homme » - qui assume les tâches ménagères et familiales - revêt donc tout son sens dans le cadre d’une campagne pour « l’emploi idéal pour les femmes ».

Lize De Clercq
Mars 2004


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